Interlude I

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A la lumière des derniers mois, l'absence de véritable contrôle à la frontière de la Zone n'a rien d'étonnant. La vérité est que n'importe qui peut y entrer tout à fait légalement. Il suffit de quelques formalités administratives. Quand les premiers phénomènes ont commencé à avoir lieu, personne ne savait vraiment quoi faire. Il y a eu une grande agitation, tous les médias ont multiplié les flashs infos et les envoyés spéciaux, les réseaux sociaux ne parlaient plus que de ça, puis plus rien. On n'y comprenait rien, il n'y avait pas de solutions, et l'affaires'est tassée. Et tant pis pour la multiplication de hashtags. S'il y a bien quelque chose sur quoi tout le monde était d'accord,c'était qu'il fallait agir, et surtout que c'était la responsabilité de quelqu'un d'autre. Comme les idées ne se bousculaient pas, le ministère des armées a juste dit qu'il ne fallait plus y aller, sans mettre les moyens. Et évidemment tout le monde y est allé : les journalistes, les millions de personnes délogées, ceux qui voulaient prouver qu'il n'y avait rien à craindre et que les réfugiés pouvaient rentrer chez eux, les survivalistes de tout poil, et les inconscients qui voulaient faire le buzz sur internet.

 C'est à peu près à ce moment que le laissez-passer a été mis en place,pour endiguer ce flot constant. Une simple demande sur le site du service public suffit. On vérifie que vous avez plus de seize ans,êtes citoyen français, avez fait votre JDC si plus de 18 ans, et l'on demande un justificatif de domicile et une copie de la carte d'identité. Rien qui aurait pu déstabiliser notre administration vieillissante, donc. A l'issu d'un délai d'une semaine à trois mois (une fourchette respectable d'après leur secrétariat),vous recevez une convocation pour une série d'examen à l'issu de laquelle on vous remet votre laissez-passer. Le taux de réussite à ces examens est ridiculement élevé : 95%. J'ai une condition physique assez faible, mais je peux affirmer m'être trouvé dans le haut du panier. L'examen psychotechnique est une formalité, et les épreuves physiques cherchent juste à prouver que vous pouvez courir trois minutes sans vous fatiguer et êtes capable de tenir une arme. Hack était convoqué le même jour que moi. Alors qu'on attendait notre tour sur les gradins du gymnase, il m'a dit que c'était l'idée de l'épreuve qui comptait, et pas l'épreuve elle-même. J'ai compris ce qu'il voulait dire pendant la course d'endurance : parce que je m'étais préparé, j'ai couru bien plus longtemps que je ne l'aurais cru possible avant. A défaut de pouvoir nous retenir, ils nous rendaient plus aptes.

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