Personne n'a fait de commentaires quand on est arrivés au camp, mais j'étais vraiment surpris d'avoir tapé dans le mille. Il y avait une dizaine d'autres caractères sur la carte, et si elle avait été codée en amont, me rapporter au lexique russe aurait pu nous mener n'importe où. C'était un coup de bol à l'apparence du génie,mais les autres m'avaient fait confiance, ce qui me mettait mal à l'aise. J'étais heureux, bien sûr, mais une confiance mal placée pouvait nous mettre dans une sacrée merde.
Le camp était un préfabriqué sur deux étages et monté sur pilotis.Un escalier en bois pourri menait à une petite terrasse faite de planche qui s'étendait sur toute la longueur de la façade, et des plantes grimpantes avait recouvert le tout. Les volets aux fenêtres étaient baissés, ce qui empêchait de voir à l'intérieur. La porte était entrouverte, mais tout était sombre passé le seuil.J'ai poussé la porte lentement, le cœur au bord des lèvres à l'idée de faire une nouvelle mauvaise rencontre. J'ai balayé le sol avec la lampe-torche de mon pistolet. Il était jonché d'éclats de verre, et une fois de plus de douilles de différents calibres.Une poussière épaisse flottait dans l'air. J'ai cherché du bout des doigts un interrupteur. Les lampes au plafond ont clignoté,puis ont pleinement éclairé ce qui ressemblait à un labo.« R.A.S. » J'ai pénétré à l'intérieur, suivi de Hack qui était armé d'un fusil d'assaut. La pièce avait été entièrement saccagée. Les bouts de verre au sol faisant vraisemblablement parti de bechers et autres fioles. Il y avait des mélangeurs et d'autres installations plus ou moins sophistiquées,et je me rappelais en avoir vu certains en TP de chimie sans trop me rappeler à quoi ils servaient. Le tout avait été jeté au sol ou fracassé avec des armes contondantes. Les fenêtres avaient été barrées avec des planches. Les vitres étaient toutes brisées, et je fus saisi de vertige en me rendant compte que tous les éclats se trouvaient à l'intérieur. Une planche fendue confirmait ma théorie que quelqu'un ou quelque chose avait attaqué les occupants depuis dehors. Il y avait aussi des casiers dans un coin de la pièce, mais ils avaient été ouverts et renversés et les documents contenus à l'intérieur étaient éparpillés un peu partout. Il y avait du papier brûlé ou déchiré en morceau, ou des feuilles entières baignant dans une flaque d'un liquide poisseux que je n'arrivait pas à identifier. J'ai saisi l'un de ces papiers, et il s'est désagrégé dans mes mains. Les caractères avaient de toutes façons bavé. Rien à en tirer, donc. Sur un bout de papier déchiré, j'ai avisé des caractères en cyrillique.Toujours le même code.
« C'est un labo d'analyse », a dit Hack qui s'y connaissait mieux que moi. « Traitement des eaux, tout ça. » Il a ramassé un microscope par terre et a regardé dedans. « On dirait aussi qu'ils étudiaient la flore locale. On en saura pas plus avant d'avoir trouvé des documents en état. »
L'accès à l'étage se faisait par une échelle que l'on pouvait replier.Il m'a fallu sauter pour attraper le cordon et nous y donner accès.On y a trouvé un parc informatique datant du siècle dernier, à en juger par les écran cathodiques et les tours carrées et grises. Le parc avait subi le même traitement que le matériel durez-de-chaussée. Le fond de la pièce accueillait des sacs de couchages sales et une sorte de frigo. Il fonctionnait parfaitement,mais l'odeur quand je l'ai ouvert m'a indiqué que les denrées à l'intérieur étaient périmées depuis un bon moment. Hack a ouvert l'un des ordinateurs et a inspecté le hardware. « Comme en bas, le travail a été fait à la va-vite avec les moyens du bord. Le matériel est foutu, mais je devrais pouvoir récupérer les données. Le plus gros problème, finalement, c'est l'ancienneté de ce truc. Ça n'a aucun sens, on dirait que cette endroit à été abandonné depuis des années... » J'avais le même sentiment. La Zone ne pouvait pas être si ancienne.
Je suis redescendu pour le laisser travailler. Phoenix avait trouvé un accès à l'arrière du rez-de-chaussée. « Il faut que tu vois ça. » Je l'ai suivie et on a passé une sorte de sas.On s'est retrouvé dans une serre. Des bacs et des pots de fleurs étaient alignés, mais c'était des fleurs que je n'avais vues qui poussaient là. Elles s'enroulaient autour de tuteurs avec des appendices minuscules et les pétales de couleurs indescriptibles semblaient hérissés de picots. Il y avait une odeur puissante dans l'air stagnant que j'ai attribué à des spores. « Va chercher Loli et des masques. » Elle a rapidement fait l'aller-retour pendant que j'observais les étranges plantes.Elles n'étaient pas toutes de la même espèce, mais étaient certainement de la même famille.
« Tu as déjà vu des fleurs semblables ?» Le regard de Loli derrière son masque me répondait que non. Elle les a observé de très près. Une fois qu'elle a eu mis des gants, elle s'est mise à les manipuler. Elles étaient solidement fixées aux tuteurs, mais elles étaient assez molles. Par endroit, la tige était plus compacte et brune. « C'est comme s'il y avait eu des greffes, ou que la plante avait subi un traumatisme. La plante va bien, alors la sève doit circuler convenablement. »
« Hack prétend que le labo permettait d'étudier des plantes. J'ai pas l'impression que cette serre ait produit de la nourriture, tu crois qu'ils s'en servaient pour des expériences ?»
« Difficile à dire, il faudrait étudier ça d'un peu plus près. » Elle a vu dans mes yeux que j'espérais qu'elle le fasse. Elle a soupiré. « D'accord, je m'en occupe. Essaie de déchiffrer les notes, que je sache mieux ce que je cherche. »
Le reste de la journée a consisté en un grand nettoyage, puis un emménagement. On pouvait difficilement vivre dans une porcherie pareille, et Phoenix insistait pour que Che se repose dans les meilleures conditions d'hygiène possible. On a commencé par vider la pièce à l'étage, où l'on a convenu que l'on dormirait.On a fait un grand feu avec les sacs de couchage, les ordures et la nourriture périmée. La carnage du rez-de-chaussée, lui, a été empilé à l'écart. Selon Hack, on pourrait en avoir besoin plus tard, quand on aurait réuni plus d'indices. Le toit était équipé de panneaux solaires pour produire l'énergie, mais il y avait tellement de poussière et de feuilles mortes dessus qu'il m'a fallu un moment pour les nettoyer intégralement. Je ne comptais pas remonter sur le toit de sitôt et la nuit hivernale nous ferait rapidement payer un travail bâclé. Pour aérer le camp, on a juste ouvert les volets. Les planches nous semblaient une protection sensée, ou en tout cas, nos prédécesseurs l'avaient pensé. On a installé des bâches pour fermer les ouvertures et conserver de la chaleur, puis on a tout refermé et verrouillé. Monter nos vivres a été une plaie, parce que les palettes étaient lourdes et que Che ne pouvait pas vraiment nous aider. Le matériel informatique de Hack a été bien plus simple à déplacer, en comparaison. Quand la nuit est tombée d'un coup, le fourgon était presque vide, et on avait aménagé un petit nid de fortune.
Hack a travaillé à son petit atelier, et je me suis installé dans le coin couchette pour être à l'aise. J'ai réfléchi au carnet.En prenant un passage au hasard, j'ai commencé à transcrire les caractères cyrilliques en alphabet occidental, mais ça n'a rien donné. Je me suis dit que les lettres devaient être interchangées entre elles, mais dans quel alphabet? Est-ce qu'il y a vraiment un passage de l'un à l'autre, ou est-ce que tout a été pensé en cyrillique dès les débuts? J'ai pataugé quelques temps, puis j'ai laissé tomber ce casse-tête. On a tous dîné ensemble dans une ambiance pesante : c'était notre première nuit dans la Zone et l'état de ses habitants nous avait refroidis. Personne n'a parlé, excepté pour organiser la journée du lendemain. On est ensuite allés se coucher, mais je n'ai pas sommeil. Quand je tends l'oreille, il me semble entendre rôder dehors.
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DESabusés
ParanormalDans la Zone, plus rien n'a de sens. Les phénomènes les plus étranges peuvent se produire. Bien qu'évacuée, elle continue d'attirer journalistes, aventuriers et survivalistes en manque de sensation. Trois hommes et trois femmes, lassés par une vie m...