Hack a terminé. Il a sauté au plafond en se rendant compte qu'il avait réussi. Même lui n'y croyait pas vraiment malgré son excitation. « Trad, viens voir ça !» Je me suis approché pour regarder son moniteur où défilait des centaines de pages de textes et de schémas. « Si je me trompe pas, c'est une grande partie des documents qui étaient imprimés en bas. C'est une véritable mine d'or. »
« Tout est codé ?» Je pouvais difficilement cacher ma déception.J'avais espéré que l'ordinateur m'aiderait à craquer le code, et pas qu'il m'ajouterait encore plus de contenu à traduire.
« Justement,c'est ça qui est intéressant. Tu m'as dit qu'il n'y avait aucune ponctuation dans le code, alors j'ai fait une recherche rapide pour voir si il n'y avait pas du contenu en clair. »
« Et tu en as trouvé ?» Je voyais bien qu'il ménageait son effet.
« J'ai pas pu le lire, mais toi tu pourras me dire ce que c'est. »Il a ouvert un document écrit en russe. Je ne savais pas le lire,mais j'y reconnaissais la grammaire. Il y avait un certain découpage des paragraphes qui me rappelait un récit. En haut il y avait un titre : "Зов Ктулху", l'Appel de Cthulhu. « C'est le seul texte non crypté, je me suis dit que ça pouvait être la clé du mystère. » J'ai été parcouru d'un électrochoc. J'ai écrit le titre russe dans mon carnet, sans le уqui faisait doublon, puis j'ai écrit l'alphabet russe dans l'ordre en m'assurant de ne répéter aucun caractère du titre et en ignorant les lettres que le prof avait associées aux dessins.En face, j'ai écrit les lettres de l'alphabet français. Le tout correspondait. Le russe ayant plus de lettres que le français, et certaines lettres étant rares, il était normal que certains caractères ne soient pas utilisés par le prof. Je suis retourné m'asseoir dans ma couche et j'ai commencé à transcrire selon mon code. Che m'a dit « Tu es sûr de vouloir savoir ? C'est codé pour une raison. » J'ai failli lui rétorquer qu'on était venu pour ça, mais c'était faux. Je me demandais s'il voulait simplement une excuse pour rester dans la Zone plus longtemps. Il avait l'air perdu dans ses pensées comme depuis des jours, et je n'ai pas cherché à discuter avec lui. J'avais trop envie de tester ma nouvelle solution. Le carnet s'est révélé sous mes yeux. Le professeur avait fait abstraction de la conjugaison et des mots grammaticaux pour se rapprocher d'une écriture de télégramme. Les mots possédaient des terminaisons étranges, comme si des lettres avaient été ajoutées au hasard pour brouiller les pistes, seulement, les suites se répétaient sans que je sois vraiment capable d'en comprendre le sens. Au bout de la troisième page transcrite, la Rouquine s'est penchée par dessus mon épaule et m'a regardé faire. « Pourquoi ces petits dessins ?» Je lui ai répondu que j'avais essayé de faire de petits symboles représentant les dessins du prof, à défaut d'en connaître le sens. Je supposais même que le sens pouvait changer selon le contexte. Elle a acquiescé et m'a dit « Là derrière le verbe, c'est un "ph" pour "présent d'habitude". » J'ai été tellement surpris que j'en ai lâché mon crayon.« Derrière les verbes, c'est des indications de temps. En revanche pour les noms, je sais pas. » J'ai regardé avec un œil nouveau les terminaisons étranges. « Génitif. Et là accusatif. C'est des déclinaisons. » Le prof avait caché l'aspect grammatical de la phrase dans des caractères si commun qu'on aurait pas réussi à y voir une quelconque répétition dans le texte d'origine. La Rouquine a lu par dessus mon épaule. « Markn prendpc "fleur" oeill hier disparaitpc nuittretrouvepc mortad matint. » J'ai traduit : « Mark a pris... la fleur? Dans l'œil hier. Il a disparu cette nuit. On l'a retrouvé mort ce matin. (Je crois que c'est ça.) Il s'était éloigné de nous ces derniers temps. On a rien vu. Le.. la mare est plus forte. » Je n'ai pas pris le temps d'en lire plus. Je me suis précipité en bas, et conformément à mes angoisses, Loli n'était plus là.
J'ai foncé dehors avant que les autres n'aient pu m'arrêter. J'avais bouclé une épée à ma ceinture et j'avais aussi pris le fusil à pompe qui m'avait bien réussi une semaine plus tôt. Il faisait déjà nuit noir, et la neige avait choisi ce soir-là pour nous accabler. J'ai remarqué des traces de pas fraîches dans la neige.Avec ce qui tombait, elle devait avoir été faites quelques minutes plus tôt au maximum. Je les ai suivies en courant. Elles menaient clairement dans la forêt, mais je n'avais pas le choix, je devais retrouver Loli. Je l'ai appelée, désespéré, mais la forêt était si dense et la neige si épaisse que ma voix ne portait pas.Sous les frondaisons, la neige aurait dû être moins présente. Quelque chose clochait, une fois de plus. C'était la Zone, rien n'avait vraiment de sens. En décodant, je n'avais pas vraiment eu le temps de m'imprégner du sens du texte, et désormais des passages me venaient. « La forêt progresse de jour en jour.Elle semble être douée de sa propre conscience. Les prélèvements ne montrent aucune anormalité, mais la présence d'échantillon de la forêt parmi des échantillons sains provoquent des réactions surprenantes. » « Bob refuse de rentrer. Il semble hypnotisé par la Zone, et en oublie parfois de manger. Hier il a menacé d'éventrer Lucie si elle retournait dans la forêt. » « J'ai vu la mare, hier. Ils ne disaient donc pas de bêtise. Je n'avais rien vu d'aussi beau. Bob va poser problème, je devrais me débarrasser de lui. » Je me suis arrêté un instant pour reprendre mon souffle. Comment avait-elle pu prendre autant d'avance sur moi en si peu de temps ? Je suis bien plus rapide qu'elle. Je réfléchissais à l'éventualité de faire demi-tour et d'organiser une battue avec les autres au lieu de tenter ma chance seule quand j'ai aperçu quelque chose. C'était d'abord subtil, mais je devais en avoir le cœur net. J'ai repris ma course et au bout d'une petite minute, j'étais sûr de moi.Il y avait une lueur rouge plus loin parmi les pins, dans la direction que Loli avait empruntée. Elle fut de plus en plus forte,jusqu'à ce qu'enfin je sois capable de voir sans ma lampe torche. J'ai aperçu une silhouette humaine près de la provenance de la lumière et j'ai compris que c'était Loli. Elle se tenait debout devant un grand lac rouge dont émanait une lumière puissante et macabre.
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DESabusés
ParanormalDans la Zone, plus rien n'a de sens. Les phénomènes les plus étranges peuvent se produire. Bien qu'évacuée, elle continue d'attirer journalistes, aventuriers et survivalistes en manque de sensation. Trois hommes et trois femmes, lassés par une vie m...