La louve et la lune

Chapitre 5

Au cœur de la forêt du territoire de Liam,
le 5 Décembre à 6h37

La nuit s'efface peu à peu pour laisser place au soleil. Celui-ci pointe le bout de son nez à l'horizon, derrière les immenses pins de la forêt, laissant dans son sillage un ciel azuré.

Nous n'avons rencontré aucun problème, nous avons surveillé les frontières toute la nuit durant et aucune trace de loups solitaires ou d'un quelconque intru.

Nous nous retrouvons à l'endroit où notre ronde a commencé. J'arrive la première et attends patiemment que mon bêta me rejoigne, je l'entends à seulement quelques pas de moi, lorsqu'il disparaît brusquement derrière un énorme tronc d'arbre. N'ayant senti aucune odeur particulière, ni entendu quoique ce soit, je me mets sur mes gardes et me mets à grogner férocement, comprenant le manège de mon ami. Je tends l'oreille, je perçois parfaitement chaque bruit qu'il fait, le craquement de la neige sous ses pas, sa respiration qu'il essaye de maîtriser, les battements de son cœur, légèrement plus rapides qu'à l'accoutumée. Puis soudain il arrête de tourner et sort de sa cachette bondissant sur moi. Je le vois venir mais le loup met tellement de puissance dans son bond, qu'il arrive tel une flèche sur moi, je ne peux l'éviter et me prends mon bêta de plein fouet.

Furieuse j'hurle, je grogne. Je ne parvient à me dégager de son emprise qu'au bout de longues secondes. Roméo me met dans un état de furie, il a réussi à me surprendre. Sans attendre plus longtemps, je lui fonce dessus, les crocs en direction de son cou pour me baisser au dernier moment et les refermer sur sa patte avant. Le loup grogne et se défait de ma prise. On s'observe, commençant une danse, l'un comme l'autre nous nous mettons à nous tourner autour en ne quittant pas l'autre du regard. Roméo se jette sur moi, je m'écarte au dernier instant et lui donne un coup de patte, l'envoyant s'écraser sur un arbre à quelques mètres. Le bêta pousse un sombre grognement, se relève immédiatement et me foudroie du regard. À cet instant je vois dans ses yeux tout ce que j'ai toujours voulu voir, de la rage, de la détermination et de la réflexion. Alors qu'il s'apprête à bondir, je me couche au sol et plante mon regard dans celui de Roméo ce qui le stoppe net.

"Tu m'as surprise. Et c'est bien la toute première fois."

Je sens mes yeux briller intensément. Je suis fière. Je me relève et vient frotter le bout de ma truffe chaude dans son coup. Roméo me rend mon geste. Ses yeux resplendissent de reconnaissance et de surprise.

"C'est grâce à toi et à ton entraînement." Il répond.

Je tourne la tête vers la gauche, un immense loup noir sort de derrière un buisson, il a le regard amusé.

"Allez vous reposez, je prends le relais. Tu diras à ton bêta qu'il devient un meilleur combattant avec le temps et qu'un jour il ne craindra aucun adversaire."

Je souris intérieurement. L'avis de mon frère m'importe beaucoup, bien que je ne l'avouerais jamais. J'acquiesce et fais un signe à mon bêta, qui jette un rapide regard vers Liam avant de me suivre.

Comme annoncé, la nuit a été longue. À peine rentrés à la maison, nous nous dirigeons tout les deux vers nos chambres respectives. J'entends Roméo s'effondrer sur son lit ce qui me fais sourire. Je me déshabille et enfile un short en coton noir et un t-shirt très large de couleur grise. Je m'affale à mon tour sur mon lit et prends le chemin des rêves sans rechigner.

Après plusieurs heures, les rayons du soleil, hauts dans le ciel, viennent trouver mon visage et me réveillent en douceur. Je n'ai pas pris la peine de fermer les volets avant de me coucher. Je me lève subitement, m'approche des immenses fenêtres pour les ouvrir en grand. Je m'étire de tout mon long en baillant. Puis reste figée devant le magnifique paysage enneigé qui s'offre à moi.

Des coups donnés sur ma porte me sortent de ma rêverie. Je reconnais l'odeur. Une douce odeur de miel et d'été. La porte s'ouvre alors sur une jeune femme, toute petite et toute frêle. Ses cheveux d'un blond doré viennent délicatement encadrer son visage d'ange. Je souris à l'arrivante, Maria. Ma plus vieille amie. Maria est au soleil ce que je suis à la lune.

Nous nous prenons dans les bras l'une de l'autre.

"Je ne pensais plus te revoir! Je plaisante en m'éloignant de mon amie.

- Gna gna gna... râle Maria. Ça fait tout juste trois semaines que nous ne nous sommes pas vues.

- Et bien c'est trois semaines de trop! En plus j'imagine que tu es venue avec lui...

Maria pouffe.

- Tu t'imagines bien que Luc ne m'aurait jamais laissé revenir ici sans lui.

- Ouai. Je soupire. Étouffant comme mec tu veux dire."

Nous nous esclaffons. Je n'ai pas rit comme ça depuis longtemps, j'ai les yeux humides et sens une larme s'échapper de mon œil gauche.

"C'est mon âme-sœur. Reprend plus calmement la blonde. Un jour tu trouveras la tienne aussi, et tu comprendras comment fonctionne le lien."

Je lève les yeux au ciel. Ma seule réponse est une langue tirée à mon amie.

Je la prends par la main et l'amène à la cuisine. Nous nous stoppons net en voyant le spectacle qui se déroule sous nos yeux. Luc, Roméo et Liam sont tous trois affairés autour de l'îlot central de la cuisine. Aucun des trois ne lève la tête. Ahuries, nous éclatons de rire en voyant les trois hommes cuisiner. Liam grogne, Roméo gêné rougit légèrement, et Luc, tout sourire, vient cueillir sa Maria dans ses bras.

"En vingt trois ans d'existence, je ne t'ai jamais, oh grand jamais vu mettre un pied dans une cuisine, si ce n'est pour manger. M'aurais- tu caché tes talents culinaires pendant tout ce temps Liam Delarose?"

L'intéressé soupire. J'aime beaucoup trop le piquer, et plus il s'emporte plus je vais loin. Il décide de ne rien dire. Je viens planter un bisou sur sa joue en guise d'excuses. Je m'approche de mon bêta et lui donne un petit coup de coude dans les côtes, tout sourire. Et je me contente d'un simple hochement de tête en direction de Luc.

"Toujours aussi sympathique toi!" Lance-t-il

Alors que j'allais répliquer, je vois les yeux implorants de mon amie et ferme ma bouche pour empêcher les mots incendiaires que j'allais dire, de sortir.

"Bonjour Luc." Je réponds tout simplement.

Je me tourne vers le frigo et prends une brique de jus d'orange que je bois directement au goulot.

Soudainement un hurlement retentit. Je lâche brutalement la bouteille. Liam bondit par dessus la table. Nous sommes déjà tous deux arrivés à la porte et nous nous transformons. Suivis des trois autres.

Nous filons à toute allure vers le cri qui vient de retentir. Vers la forêt.

Ce hurlement est à glacer le sang.