Chapitre 23

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Au fin fond de la forêt

le 15 Janvier à 13h02

Eros est parti. Le ton est rapidement monté. J'ai pu les observer depuis la fenêtre de la bibliothèque. Je n'ai pas tout compris, mais je sais que leur discussion a un rapport avec les loups solitaires. Ces derniers s'agitent de plus en plus. Apparemment ils comptent bientôt repasser à l'attaque.

Tous se transforment, et telle une horde sauvage, s'élancent vers la forêt.
L'espace d'un instant, un sourire prend place sur mon visage, je pourrais les suivre, mais j'ai plus important à faire pour le moment.

À mon tour je sors de la maison et me transforme dans un bond de géante.

Je foule la terre, mes pattes puissantes me propulsent au cœur de ces bois que je commence à bien connaître. Il faut que je me change les idées, que je trouve un moyen de chasser le visage d'Eros de mon esprit. Je grogne, la tâche est dure. Ses yeux me hantent. Je secoue la tête et pousse encore plus ma cadence.

Comme d'habitude, toutes les odeurs des sous-bois me percutent. La mousse, l'écorce des sapins, les feuilles, les différentes fleurs: les jasmins, les pervenches, les violettes, même le laurier rose, cette plante mortelle pour nous les loups. Un souvenir désagréable surgit; ma dernière pleine lune, lorsque j'avais du ingurgiter une mixture à base de cette maudite assassine.

Je ne peux m'empêcher d'hurler. On me répond aussitôt. Je perçois la course d'un autre loup quelques mètres devant moi. Roméo. Une multitude de pensées surgissent; j'ai bien trop de choses à lui confier. Je dois lui dire tout ce que j'ai appris de Lazar.

Je le prends en chasse. Je l'entends se tendre et accélérer. Il sait que je le suis. Que je le traque. Je rigole intérieurement. Je ne vais en faire qu'une bouchée. Je vais le dévorer telle la grande méchante louve que je suis.

Nous parcourons plusieurs kilomètres ainsi, nous avons même posé les pattes sur le territoire de Liam. Nous aurions pu aller le voir, mais je n'en ai ni vraiment l'envie, ni la nécessité. Nous passons sur un territoire voisin, celui d'une petite meute, si je m'en souviens bien, il s'agit de la meute de la belle Isadora, une vielle louve grise dont le mari est mort il y a quelques années.

J'oriente notre course, menant Roméo, qui me précède, où bon me semble. Je le pousse jusqu'aux montagnes de Kelowna, elles bordent le splendide lac Okanagan dont l'étendue bleue reflète les nombreux sapins des alentours. Nous stoppons tous les deux notre course. Nous surplombons cette extraordinaire nappe céruléenne. J'en ai le souffle coupé. J'ai beau connaître ce paysage dans ces moindres recoins, la vue est toujours aussi spectaculaire.

Je mordille l'épaule de Roméo, il se tourne vers moi et me donne un coup de museau. Amusée, je le pousse de la tête. Il grogne. Je lui saute dessus. Nous roulons sur plusieurs mètres. Il se relève d'un coup et me donne un coup de patte. Je lui grogne dessus tellement fort qu'il couine et ses oreilles se plaquent d'instinct sur son crâne.

"Suis moi." Je lui ordonne.

Je descends jusqu'au bord du lac, suivie par mon bêta.

Tous deux nous asseillons devant cette étendue bleue. Le vent joue avec le poil de nos fourrures. J'inspire longuement.

Je ne sais pas par ou commencer. J'ai tellement de choses à lui dire. J'ai la certitude qu'il voudra partir dès qu'il aura connaissance des informations que j'ai. D'ailleurs c'est ce dont moi j'ai envie, quitter cette forêt, ce pays froid et me mettre à la chasse au vampire.

"Comment tu te sens"

Roméo me lance un regard lasse.

"Je suis tout à fait consciente que rien ne la ramènera, et toi aussi tu le sais. Mais est-ce que le fait d'avoir fait souffrir et d'avoir tué cette sangsue t'a apporté un quelconque réconfort ? Je dois le savoir, car sans ça notre envie de vengeance ne sert à rien."

La louve et la luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant