Chapitre 1 - LIZ

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8 Octobre 2020, campagne du Yorkshire (Angleterre)

-« Vous avez des questions ? conclut mon professeur

-Vous pensez que notre Brexit pourrait créer une guerre ? interroge un élève

-Pas une guerre. Notre sortie a causé d'importantes tentions entre nous et les autres pays de l'Union Européenne certes, mais une guerre ne serait pas envisageable.

-Mais si une guerre se déclarait, reprend un autre élève, avons-nous de quoi nous défendre ?

-Bien sûr.

-Quoi ?

-Eh bien... réfléchit le professeur. Hum... les armes, l'arme nucléaire aussi. Il y a tellement de moyens. Même un virus est une arme.

-Comment ça ? réplique-t-on au fond de la salle de classe

-Un virus mortel par exemple. C'est une arme biologique. Il nous suffirait d'injecter à une seule personne de la population de l'un de nos ennemis pour que le virus se propage à la vitesse de la lumière et tue des centaines, milliers voire millions de gens. »

Je suis là, assise devant mon bureau adoptant la même position que tous les élèves de ma classe autour de moi. Pourtant, je suis ailleurs. Les questions posées par mes camarades et la voix, abîmée par la cigarette, de mon professeur leur répondant me paraissent lointaines. Je me sens éloignée de ce débat, néanmoins intéressant pour une résidente du Royaume-Uni , ayant pris place autour de moi.

Incontrôlablement, je suis à mi-chemin entre le rêve et la réalité quand je le regarde.

Lui aussi est ailleurs. Cela fait désormais un mois qu'il a prit l'habitude, lorsqu'il en a la possibilité de se tourner vers la fenêtre et de regarder la campagne nous entourant. Nous enfermant loin de la civilisation.

Lui est renfermé sur lui-même. Cela fait également un mois que ce nouvel élève reste silencieux. N'adressant la parole à personne, demeurant invisible aux yeux de tous. Sauf aux miens.

Je n'ai pu m'empêcher de remarquer les siens la première fois que mon regard s'est posé sur lui. Ils sont d'un bleu vif, accompagnés de reflets argentés. Ses folles bouclettes châtaines retombent à hauteur de ceux-ci. Son sourire enjôleur a lui aussi marqué mon esprit. C'est le même qu'il est entrain de me faire à cet instant.

Démasquée et honteuse, je lui rends un timide sourire et détourne le regard, les joues en feu.

Mon cœur palpite, mon rythme cardiaque s'accélére, mon estomac se retourne pour un garçon que je ne connais pas. Sa présence dans ce lycée traduit sa passion et un niveau avancé pour un des arts du spectacle.

Son silence n'offre aucune autre information. Sauf un nom, Aidan Sangster.

Soudain, une main répétant un même mouvement de haut en bas apparaît devant mes yeux :

-«Hé, Liz ! m'interpelle mon meilleur ami. Est-ce que ça va ?

-Oui, oui ... ça va, répondis-je, hébétée face à la classe se vidant. Mes pensées semblaient avoir étouffé la joyeuse sonnerie du lycée.

-Ah oui, j'oubliais. Ca va toujours lorsque l'on est amoureux, me taquine-t-il, mais tu sais, une conversation commence par « Bonjour, je suis Liz Thornton. Ravie de te rencontrer. »

Joignant les gestes à ses paroles, Oliver me serre énergiquement la main. Je me lève et marche derrière lui dans le flot d'élèves quittant la salle de cours.

-« C'est ce que j'ai fait avec toi il y a six ans, continue-t-il, regarde nous maintenant !

-Si tu es si sûr de toi, viens avec moi ; répliquais-je.

-Non...

-Quoi ?

-Tu as choisi... Oh non désolé, ton cœur, rectifie-t-il, a choisi l'élève le plus étrange et mystérieux de ce lycée. Il ne m'inspire pas confiance.

-Oh mon dieu ! m'exclamais-je, tu es jaloux ?

-Je ne le suis pas.

-Oliver Fawkes, heureusement que vous portez des lunettes pour cacher vos vilains yeux remplis de jalousie !

-C'est ridicule ! plaide-t-il

-Oh ! Disparues ! m'écriais-je en retirant de son nez les lunettes de mon meilleur ami et en les cachant derrière mon dos. Mais que vois-je ? De la jalousie ! »

Je m'élance et disparaît dans la foule d'élèves présente dans le couloir principal, les lunettes d'Oliver dans mes mains. Elle m'emporte loin de mon meilleur ami et déteint sur moi son atmosphère joviale de cette fin de journée. Je me faufile en courant entre les élèves pressés de retourner dans leurs chambres respectives, Oliver me poursuivant. J'accélère ma course et passe entre les jumelles Maya et Leyla : seule voie dégagée. Ayant coupé leur conversation, elles tournent simultanément leurs têtes vers moi, faisant voler leurs magnifiques chevelures brunes. Leurs deux paires d'yeux noisette me lancent des éclairs. Je murmure un désolé avant de reprendre de plus belle mon sprint. Oliver quelques mètres derrière moi, s'excuse aussi auprès d'un couple. Alors que les deux amoureux s'étreignaient tendrement, mon meilleur ami en avait heurté u des deux. Malgré leur mécontentement, il avait fallu peu de temps avant que les deux tourtereaux ne se reprennent follement dans les bras.

Prise dans mon élan, je coupe la trajectoire d'une de mes professeures de l'an passé sortant de sa salle de classe. Surprise, celle-ci se stoppe afin d'éviter une douloureuse collision avant de m'interpeller de sa voix stridente :

-« Mademoiselle Thornton!

-E-excusez-moi, Madame! Je-je suis vraiment désolée... je dois... » bafouillais-je

Je ne peux finir ma phrase constatant la fulgurante avancée d'Oliver. Je repars sur ma lancée, les lunettes d'Oliver toujours emprisonnées dans mes mains. Je baisse la tête à la vue d'une porte de casier ouverte, slalome une dernière fois entre les élèves puis pousse la porte menant vers l'extérieur. Je sors et referme la porte derrière moi dans le but de retarder mon ami. L'adrénaline me fait courir sous la pluie, mouillant mes cheveux, mes habits et mes bras nus jusqu'à un parterre de pâquerettes une dizaine de mètres plus loin.

Oliver sort à son tour du grand couloir.

Les fines gouttes tombant sur l'Angleterre se sont transformés en trombes d'eau s'écrasant sur la courte coupe au bol de mon meilleur ami. Malgré la pluie battante, il affiche un grand sourire et me crie afin de couvrir le bruit de celle-ci :

-« Tu es un vrai enfant Liz !

-Tu pourras dire tout ce que tu veux ! Mais il faudra venir me cherche pour récupérer tes lunettes ! lui répondis-je en brandissant la paire. Ou sinon tu verras flou jusqu'à la fin de tes jours ! »

Il avale à grandes enjambées les quelques mètres nos séparant et me saisit de ses bras en haut des cuisses. Il me soulève du sol et me fait gaiement tournoyer sous l'averse.

Sa faible musculature est déséquilibrée par nos tournoiements et par mon poids mis en avant. Nous nous étalons, hilares, sur l'herbe trempée.

Je lui rends ses lunettes, aux verres désormais mouillés, comme promis.

Nous regardons, allongés, les nuages gris et menaçants contrastant les sourires radieux sur nos visages.

-« Répétition ce soir ?

-Répétition ce soir, répète Oliver en guise d'affirmation. Tu viens avec Suzy ?

-Bien sûr ! Comment peut-on rater ça ?

-Vous ne pouvez pas. Nous avons besoin de vous. J'ai besoin de toi... »

TIESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant