Chapitre 4 - Liz

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9 Octobre 2020

Je me réveille brutalement m'appuyant de mes mains sur le matelas étrangement dur, les yeux exorbités, la respiration haletante, des sueurs froides dans le dos, éprouvant un manque accompagné d'un puissant besoin de le remplir... Un manque de contact. Avec une personne. Sentir sa peau sous mes doigts. En d'autres circonstances, ce besoin peut être assimilé à de l'érotisme. Mais pour moi, à cet instant, il relève de la survie.

Je palpe ma peau vainement à la recherche de ce qui pourrait combler le douloureux vide installé dans mon corps. Contrairement à mes attentes, je n'obtiens aucun soulagement.

Je regarde autour de moi cherchant des éléments me permettant de savoir où est-ce que je me trouve, quelle heure est-il, suis-je seule ?

Mais l'endroit autour de moi est méconnaissable...

De fascinantes et effrayantes à la fois... comment qualifier ce qui avait proliféré et envahi la pièce toute entière ? Des milliers de réseaux de tiges, racines ou de plantes grimpantes d'une longueur impressionnante... Toutes plus sombres les unes que les autres. Recouvertes d'une substance noire et visqueuse dégoulinant des murs, du plafond et du sol, de chaque objet de la pièce. Ces deux éléments enduisent les fenêtres et filtrent la lumière morne du soleil.

Je me lève du lit, enseveli sous ce réseau incroyable, voulant m'approcher des vitres. Mes jambes ne me portent pas et je m'écrase aussitôt sur le sol visqueux. Malgré mon assoupissement, mon corps semble être privé de forces. Je me relève avec les dernières qu'il me reste et m'appuie sur le rebord de la fenêtre. J'écarte de mes mains les racines collées à la fenêtre. Dehors, tout est sombre et inquiétant aussi...

Tout d'un coup, les tiges reliées à ces milliers de réseaux que je retiens dans les paumes de mes mains prennent vie. Elles s'illuminent d'un intense rouge fluorescent. Ce détail de couleur apparaît comme du sang présent dans des vaisseaux sanguins de chaque être sur la Terre. Cette source de lumière se divise en dizaines, centaines, milliers de petits points aveuglants. Chacun d'entre eux part se balader dans une des nombreuses « veines ». Celles-ci et leurs points lumineux respectifs semblent se réunir, sortir par la porte de la pièce et disparaître. Je les lâche. Elles retombent à terre avant de se lier avec d'autres tiges similaires. Je me dirige vers la sortie, les mains salies par la substance visqueuse présente dans toute la pièce, attirée par l'envie me tiraillant l'esprit. J'abaisse la poignée mais celle-ci n'achève pas son action. La porte doit être verrouillée.

Instinctivement, je plonge mes mains dans mes poches à la recherche de mes clés accompagnées de deux porte-clés, acte peut-être inutile ne sachant pas où est-ce que je me trouve.

Contre toute attente, je n'éprouve aucune difficulté à rentrer la clé de ma chambre dans la serrure et à effectuer un tour.

La porte s'ouvre et je me précipite en dehors de celle-ci.

Dans le couloir, c'est le même spectacle qui s'offre à moi. Les réseaux de « veines » sombres semblent avoir pris emprise sur la longue allée désertée de présence humaine. Leurs points lumineux rouges semblent me montrer un chemin. Mon cerveau m'ordonne de les suivre. De courir à leur poursuite.

J'arrive peu de temps après dans le grand couloir menant aux salles de classes, guidée par les réseaux fluorescents. Toutes les pièces du lycée ont été envahies par cet étrange phénomène, celle-ci y compris. Pourtant, malgré le couloir bondé d'élèves, aucun d'eux ne prêtent attention à cette anormale situation. Je semble la seule à voir le sol jonché de tiges sur lequel ils marchent, les casiers qu'ils ouvrent et referment dans un claquement, où des racines sont ancrés et un liquide visqueux y dégouline...

Je continue de suivre les étincelantes indications des « veines » visibles par mes seuls yeux. Leur lumière devient de plus en plus aveuglante et rapide. Pour suivre leur cadence, mon cerveau désormais contrôlé par ce réseau fluorescent me force à courir au milieu de la cohue des élèves.

Cette manifestation auparavant étonnante et fantastique se transforme en quelque chose d'inquiétant... L'environnement autour de moi devient de plus en plus dérangeant et menaçant. Les voix des élèves se rassemblent pour former un son commun assourdissant. Leurs joyeuses exclamations se muent en rugissements effrayants. Les résonnements de leurs pas sur le carrelage se changent en bruyantes secousses. Les claquements des portes de leurs casiers éclatent avec une force irréelle dans mon corps.

Et cette voix d'outre-tombe m'appelle et m'attire, vers un endroit méconnu, dans la même direction que les lumières rouge-corail clignotant follement et circulant à une vitesse impoursuivable.

A ce chaos extérieur s'ajoute celui de mon corps. Le manque et le besoin indescriptible, d'être en contact physique avec un autre individu, que je ressens est grandissant... dévastateur. Mon sang semble s'arrêter de circuler dans mes veines en opposition à mon cœur battant à une allure démente. Il paraît se geler dans mes vaisseaux sanguins.

Quelques mètres devant moi, une porte de casier, décorée de ses longues tiges fluorescentes, se ferme. Elle laisse apparaître un visage familier, celui d'Oliver.

Les milliers de points lumineux rouges autour de moi cessent de clignoter mais multiplient l'intensité de leurs éclats.

Je comprends à cet instant que ce réseau de réseaux était comme un itinéraire pour m'aider à trouver mon meilleur ami : une personne pouvant soulager mon besoin.

J'engloutis la courte distance nous séparant en quelques millièmes de secondes.

-« Liz, est-ce que ça va ? »

Oliver m'observe, intrigué par l'expression d'effroi et de fatigue sur mon visage. Les bouffées de chaleur ont trempé le haut de mon t-shirt ainsi que mon cou, mon visage et les petites mèches de mes cheveux dorés collées à mon front.

Dans un élan, je pose mes mains moites sur son visage. Elles parcourent son front, ses tempes, ses pommettes, ses joues, sa mâchoire et son menton puis redessinent les contours de sa figure angélique. A mesure que nos deux corps restent en contact direct, le calme semble revenir à l'intérieur et à l'extérieur du mien. La douleur due à ce besoin irrésistible s'apaise petit à petit. La substance visqueuse recouvrant le couloir tout entier est absorbée par le sol et disparaît ainsi que les longues tiges se recroquevillant sur elles-mêmes, chassées. Les traces de liquide noir sur le visage d'Oliver, laissées par mes doigts salis, se dissipent sous sa peau.

Me sentant pleine d'énergie et plus que revigorée, je détache mes mains de son visage.

Lui me dévisage encore. L'expression étonnée de mon meilleur ami face à mon étrange comportement se transforme en mimique horrifiée.

-« Liz... chuchote-t-il. T-tes veines... elles-elles sont noires... »

Mes yeux se posent comme ceux d'Oliver sur mes mains. Leurs vaisseaux sanguins ont perdu leur couleur bleuté pour être en effet remplacé par une teinte obscure.

Le monde autour de moi tourne furieusement, la voix de mon ami m'appelant s'étouffe, ma vue se brouille... comme hier. Hier ?

Mes jambes flageolantes ne soutiennent plus le reste de mon corps. A demi-inconsciente, je me laisse lâchement tomber. Une personne semble me retenir à bout de bras comme hier... Hier ?



Je vous remercie d'être déjà nombreux à suivre l'histoire de Liz et de ses amis même si celle-ci vient à peine de commencer... N'hésitez pas à voter pour mon histoire et me laisser des commentaires, j'attends vos retours avec impatience :)

Lison

TIESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant