Chapitre 11

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OWEN GOLDFISH



Mortel. Mortel. Mortel. Mortel. Mortel. Mortel... Mortel... Mortel... Mortel... Mortel...

Ce mot avait résonné dans le crâne du proviseur d'une cinquantaine d'années lorsque l'infirmier du lycée, M. Miller l'avait prononcé.

Désormais, il le hantait.

Nombreuses, s'était-il dit, sont les informations qu'il possédait déjà sur le virus prenant doucement emprise sur son lycée. Pourtant, cette dernière, révélée il y a quelques instants par un de ses employés, lui était inconnue...

De plus, l'infirmier lui avait brillamment prouvé son affirmation, élément qui avait semé un doute colossal dans l'esprit du proviseur. Il lui avait apporté une vidéo prise ce matin-même par un caméscope. Elle y présentait deux rongeurs blancs à l'intérieur d'une cage transparente. En plus des images de l'expérience, l'infirmier avait donné toutes les informations qu'il pensait connaître sur le fléau ayant commencé ses ravages.

Ses explications avaient été similaires à celles qu' « ils » avaient apporté à Owen Goldfish peu de mois auparavant.

Les vidéos l'étaient aussi. Hormis leurs fins respectives. Ici et aujourd'hui, l'expérience filmée s'était achevée par la mort des deux cobayes, les commentaires sur celle-ci s'étaient concentrés sur le fait que presque deux cent cinquante personnes en était menacé dont le proviseur.

Ce jour marquait alors la première fois qu'il avait vu ce test, mainte fois répété dans un laboratoire scientifique de haute technologie, s'aboutir mortellement.

C'était également la première fois qu'il avait entendu l'évocation du mot « mortel » pour parler de ce virus et de ces avertissements envers celui-ci.

C'était enfin la première fois que le proviseur Goldfish s'était vraiment interrogé sur ce qu'il savait de ce fléau et d' « eux ». La première fois qu'il s'était remis en question sur l'engagement qu'il « leur » avait fait. La première fois qu'il se sentait comme trahi par « eux ». Et coupable quant aux prochains événements.

C'est ce qui avait poussé le proviseur du lycée à « les » appeler.

Il prit le talkie-walkie qu' « ils » lui avaient fourni puis composa le numéro qu'il connaissait désormais par cœur. Il porta l'appareil à son oreille et patienta, en la stressante compagnie des sonneries retentissant dans le vide, que la personne cherchant à être contacter décroche son téléphone respectif.

Il commençait perdre espoir lorsqu'un homme à l'accent londonien prononcé similaire au sien se fit entendre de l'autre côté de la communication. Démarra alors une conversation déroutante entre le proviseur Goldfish et ce qu'on pouvait appeler un de ses « associés ».

Le Londonien engagea la discussion en s'intéressant aux derniers événements survenus dans l'établissement depuis leur dernier appel hier matin. Owen Goldfish rapporta l'entrevue qu'il venait de passer avec son employé, M. Miller, et les connaissances que ce dernier avait acquis sur leur projet commun.

Suite à cela, ils évoquèrent aussitôt le possible nombre de personnes déjà atteintes par le virus avant que le proviseur Goldfish ne se décide à parler du malentendu survenu quelques minutes auparavant.

Je voulais également vous faire parvenir une révélation faite par l'infirmier de mon lycée sur cette « chose », bafouilla le proviseur en prenant la précaution obligatoire de ne pas dévoiler la réelle nature de celle-ci. Il m'a affirmé à plusieurs reprises de la mortalité du... euh, de la « chose », terminé.

-C'est pour ça que vous aviez la formelle interdiction de poser des questions, terminé, répond froidement l'homme au bout du fil.

-Je sais... mais je vous avoue que je suis un peu troublé. Vous et moi n'avons jamais parlé de quelque chose de mortel, terminé.

-Est-ce que vous et moi, comme vous le dites, l'avons exclu ? Répondez.

-Négatif, accorde Owen Goldfish à cet homme hiérarchiquement supérieur à lui, mais j'ai signé une panoplie de documents. Pas un arrêt de mort pour deux cent cinquante personnes. Maintenant, dites-moi la vérité, terminé.

-Vous devrez nous communiquer dans les jours à venir chaque avancée de l'opération. Terminé.

-« YASA » à centre de communication, répondez ! s'égosilla en vain le proviseur. Répondez ! »

Le quinquagénaire, déboussolé par la situation, coupa à son tour la communication le reliant jusque la capitale et rangea le talkie-walkie secret et clandestin au fond d'un tiroir de son bureau.

Partagé entre le sérieux, le professionnalisme ainsi que la célébrité de « ceux » qui l'avaient contacté et l'honnêteté et la fiabilité de son employé, Owen Goldfish émit un long soupir puis claqua le tiroir.

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