Prologue

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"Il m'a rendue folle !"

- Souffrance.

Miana est seule. Sur un lit blanc, elle caresse de ses pieds nus le mur de béton armé à sa gauche. Elle aime cette sensation, le toucher.

Mimie ! Pauvre quiche ! Comment t'as pu croire un truc pareil ?

Ses cheveux blonds coupés en un carré s'arrêtant à ses épaules, à l'allure négligeable, pendent dans le vide.

- Douleur.

Miana a vingt et un ans aujourd'hui. Son papa lui a affirmé ça il y a cinq ans. La jeune fille veut compter avec ses doigts le nombre vingt et un. Elle ne l'a jamais appris. On ne lui a jamais appris. On lui a dit que c'était trop dangereux.

T'es pas comme les autres toi hein ?

Miana sait, elle peut être brutale. Elle ne peut pas compter. Ses bras sont inexistants, se blottissant dans une sangle.

- Mort.

Son uniforme est de la même couleur que les draps immaculés. Blanc. Il fait peur. Elle fait peur. On a renoncé depuis longtemps à la sortir de sa cellule. Elle est devenue dangereuse. Même sans savoir.

Aller, viens ici crétine.

On frappe à la porte blindée. Miana reste immobile. Ses yeux bleu-gris, gonflés, surplombant d'énormes cernes indigos, se perdent dans l'horrible blancheur des néons.

- Miana ? Tu as de la visite.

L'interpellée se redresse brusquement, ses cheveux blonds suivant le mouvement. L'homme sursaute et recule de quelques pas.

Miana arrête maintenant !!

Miana continue son jeu de mots, inlassable depuis quatre ans, son regard perdu dans le vide.

- Seule.

Le jeune homme passe sa main dans ses cheveux visiblement soulagé qu'elle ne lui saute pas dessus. Puis, il la rassure du mieux qu'il peut.

Mais t'es bouchée ou quoi ? T'as pas entendue ce que je t'ai dit ?

Il la relève avec précaution et, aidé de quelques autres de collègues, l'installe sur la chaise roulante.

Bordel mais arrête de me coller je veux plus de toi !!

La jeune blonde est toujours calme et se balance légèrement d'avant en arrière.

Mais bordel casse toi je t'ai dis !!

Puis le calme de Miana se perd dans l'amertume.

- Il m'a rendu folle !! Casse-toi !!

Même après le chantage du personnel, Miana ne cesse de gesticuler dans son fauteuil, voulant à tous prix s'échapper. Un homme plaque sa main devant sa bouche. Cette dernière le mord avec la rage du Seigneur. Cependant, ce dernier a le temps de lui faire injecter une substance thérapeutique dans la carotide. Après des essoufflements, la rage de Miana se dissipe. Elle continue son jeu de mots.

- Horreur, souffle la malade alors qu'ils pénètrent dans une autre pièce.
- Bonjour Miana. Je m'appelle Edward, se présente un vieil homme aux traits fatigués par le temps, Que dirais-tu d'une petite promenade ? Une journée au grand air ne peut que te faire du bien.

La femme s'est tue et fixe son interlocuteur sous ses cernes monstrueuses, épuisée par cette mascarade. Remarquant que le personnel est étonné par la réaction d'Edward, ce dernier se justifie.

- C'est ma fille. Le chef pénitencier est d'accord. A partir du moment où nous passerons cette porte elle sera sous ma responsabilité.

Il ouvre la porte qui le sépare de la pauvre femme, la délivre de son fauteuil roulant et de son horrible costume. En dessous, elle porte un gros pull rose pâle et un jean délavé. L'homme lui attache ses converses pourpres aux pieds avec une infinie douceur. Elle ne bouge pas mais tressaillit quand le curieux visiteur lui prend la main. Miana apprend à toucher autre chose que son mur. Un humain. Elle le suit vers une lumière chaleureuse. Une belle lumière qui la sort de la froideur. Ils passent une porte au dessus de laquelle se dresse une annotation singulière.

CENTRE DE DÉTENTION

Folle à LierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant