Chapitre 2

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Il est minuit, ayant commencé mon travail à 16h de l'après-midi, j'ai réussi à tout finir en 8 heures. Je suis assez fière de moi. Mon métier consiste à corriger des manuscrits depuis bientôt 2 ans. J'ai eu la chance de trouver une maison d'édition qui voulait bien m'accepter en tant qu'employé, malgré le fait que je ne puisse pas venir dans la société. De ce fait, je peux travailler chez moi en toute tranquillité. Bien évidemment j'ai choisi cette méthode en raison de ma santé et non par feignantise. Ainsi je peux faire ce que j'aime -lire- tout en subvenant à mes besoins, ce qui n'est pas rien.

Dans un mail de conclusion, j'envoie tout à ma maison d'édition et à l'auteur que je corrige pour être sûr que ça lui convienne. Et c'est dans un petit sourire satisfait que je referme le clapet de mon ordinateur en m'étirant.

Je regarde alors mon petit appartement très simple, que j'ai réussi à customiser en un cocon assez cosy malgré la pauvreté de l'immeuble. L'ensemble des murs, en brique rouge, sont recouverts par endroits de quelques tableaux confectionnés par mes soins, allant de paysage d'automne à des paysages de temples japonais. Dans le salon, un vieux canapé noir recouvert d'un plaid rouge -dans lequel j'aime me lover- et de coussins moelleux est appuyé contre un mur situé en face d'une petite table basse en bois noir. Sous cette dernière s'étend un très grand tapis rouge étalé à même le sol et recouvert d'un parquet marron. La table de la cuisine sur laquelle je repose est à gauche du canapé. Elle est aussi noir et entourée de quatre chaises design de la même couleur. Dans son dos, de situe une petite cuisine assez primaire blanche équipée d'un vieux four gazinière, d'un réfrigérateur, de deux placards mureaux et d'un évier de cuisine. Rien de très fabuleux, mais un endroit où il se dégage une atmosphère qui me plaît. Une atmosphère où je me sens bien, et c'est le plus important. Toute ma vie, j'ai grandi dans un orphelinat, ainsi, un rien me suffit. Mais cette fois, ce rien c'est le mien.

Dans mon appartement il n'y a pas de plantes l'absence de soleil les ferait mourir. Ce dernier est en effet filtré par des fenêtres teintées. Il n'y a également pas de télé à la lumière nocive, et les lampes ne produisent  aucun rayons ultraviolets. En bref tout est mis en place pour que je ne sois pas blessée.

Depuis ma naissance, je suis atteinte d'une forme d'albinisme particulière. C'est-à-dire que ma peau ne produit pas de mélanine, elle est transparente aux ultraviolets. Par conséquent, je suis très susceptible de contracter un cancer de la peau. Je ne peux sortir en plein jour que si je suis recouverte de tissu et d'une épaisse couche de crème solaire haute protection. En revanche, je peux sortir plus sereinement la nuit. Durant cette période de la journée les UV sont extrêmement faibles et la plupart d'entres elles proviennent surtout des lumières humaines. Ainsi il me suffit de me couvrir suffisamment tout en gardant une épaisse couche de crème solaire. Les protections sont les mêmes pourtant le danger est nettement moindre lorsque je sors la nuit. C'est pour ça que depuis mon enfance -et sur les conseils de mon médecin- je vis la nuit.

Je suis d'autant plus poussée à me retrancher dans de telles extrémités à cause de mon étrange forme d'albinisme. Je n'ai pas les yeux très claires qu'implique ma maladie, ils sont d'un vert pomme comme n'importe qui pourrait les avoir et je n'ai pas d'acuité visuelle diminuée, je vois même très bien. D'autre part, lorsque je sors le jour j'éprouve des douleurs particulières. Les médecins n'ont pas été en mesure de définir d'où ça provenait.

A l'extérieur, au soleil, je suis prise de maux de tête, d'étourdissements et parfois il m'arrive d'avoir envie de vomir. J'ai passé un nombre incalculable de prises de sang, de scanners, d'échographies, de coloscopies... Sans succès. Tout s'est toujours clôturé par des échecs. De ce fait, alors que d'autres albinos peuvent sortir le jour en étant bien protégé, pour moi c'est plus compliqué. Je le peux, mais j'en éprouve des effets secondaires douloureux ou perturbants. C'est pour ça que je me sens si différente, que je ne veux pas m'approcher des autres. Personne ne vit la nuit. Les gens dorment la nuit, moi je survis la nuit.

LunaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant