C h a p i t r e 6

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« Toi et moi sommes amis, souviens-toi que si tu tombes,
je te relèverai dès que j'aurai fini de rire. »


J'observe Louis étendre une couverture sur la pelouse de mon jardin arrière. Monsieur ne veut pas parler si je le regarde. Je suis intimidante à ce qu'il parait. Il veut qu'on se concentre sur le ciel et non sur l'autre pendant cette discussion. Encore une connerie humaine. Je ne sais pas pourquoi j'ai accepté d'ailleurs. Tu voulais lui faire plaisir, crache ma conscience. Je ne pouvais pas refuser, il l'a demandé si gentiment. Tu es en train de te ramollir. Non ce n'est pas vrai, je suis Lucifer et Lucifer ne se ramollit pas. La vraie Lucifer n'aurait jamais accepté et l'aurait démembré à la minute où il aurait commencé à parler. N'importe quoi, maintenant tais-toi.

Il n'est peut-être pas au courant que le ciel n'est pas comme celui sur terre. Beaucoup croit à tort que les points lumineux qu'il y a sur le plafond de l'Enfer sont des étoiles. En fait, il est constitué d'âmes envolées du Tartare qui attendent avec impatience de commencer une nouvelle vie, que j'espère exempt de tout péché.

J'ai soudainement une envie de me frapper la tête contre le mur et si ma conscience avait raison? Je n'ai jamais fait dans la dentelle, mais en contrepartie, je n'ai jamais vraiment eu d'amis. J'imagine que c'est ce que les gens civilisés font.

Cela me rend tout de même mal à l'aise, je ne sais pas pourquoi je lui ai demandé de me parler de lui. Ai-je besoin de me rassurer qu'il n'ait rien à voir avec mon père? Ai-je besoin de m'assurer qu'il ne me poignardera pas en pleine nuit? Je ne sais pas, mais le silence qu'il y a autour de nous quand il ne parle pas, m'angoisse.

- Lucy!

Je lève la tête vers le garçon, il tapote la couverture à côté de lui et m'invite à le rejoindre. Je déglutis et m'avance lentement. C'est encore le temps de refuser, ce serait si facile de lui arracher la tête... Je secoue la tête pour chasser la voix de ma conscience. Je ne devrais pas être seule avec un humain qui n'a rien fait de mal dans sa vie. Je ne devrais pas être ici.

Je m'assois à une distance raisonnable de lui et les doutes qui m'envahissent disparaissent. Je me détends, du moins j'essaie. Il me sourit et s'étend avec les bras repliés en dessous de sa tête.

Je le regarde et me questionne. Je n'ai jamais fait ça auparavant, dois-je me mettre dans la même position que lui? Serais-je confortable? Je me flagelle mentalement pour ce manque de confiance soudain.

- Étends-toi, Lucy tu seras beaucoup plus confortable et tu verras directement les étoiles, me dit Louis d'une voix assurée.

J'obéis et m'étend sur le dos, les bras raides contre mon corps. C'est étrange cette sensation d'être couchée près de quelqu'un. À mesure que ma respiration reprend son cours normal, je me détends et je peux enfin observer le magnifique paysage qui s'offre à moi. Je n'ai jamais réellement pris le temps de faire ça et ça aurait été une grave erreur de ne pas vivre ça ce soir.

- Je suis enfant unique et orphelin, commence Louis d'une voix douce. Ma mère est décédée il y a de ça deux ans, elle était atteinte d'une forme grave de leucémie. Mon père, quant à lui, s'est suicidé alors que j'avais un an. Il n'avait jamais voulu de moi. Et ça je l'ai découvert l'an passé quand j'ai emballé tout ce qui restait de ma mère. Il lui avait laissé une lettre.

Je n'arrive pas à dire un mot. Des émotions inconnues se sont bousculés en moi. Je serre les poings, je n'aime pas ressentir ce genre de chose et depuis quelque temps, ça semble devenir une habitude. Je secoue la tête, il ne peut pas avoir vécu ça tout seul, c'est trop pour une seule et même personne. Il a l'air si gentil et si vulnérable à cet instant précis. Je tourne ma tête vers lui pour le voir. Des points blancs éclairent faiblement le visage du garçon près de moi. Sans se retourner, il dit :

DamnationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant