C h a p i t r e 3

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- OH MON DIEU! OH MON DIEU!

Mais bordel! Qui ose blasphémer ainsi sous mon toit? Qui peut se permettre de prononcer ce nom pourtant interdit de si de bonne heure le matin? Je me redresse sur mon lit et j'entends toujours la voix tempêter. C'est le sans-abri que j'ai eu la gentillesse d'héberger hier soir. Il doit venir tout juste de réaliser où il était. C'est l'une des caractéristiques de l'Enfer et il vient d'y gouter de plein fouet. Il est arrivé dans une sorte de cocon qui le préservait de tout ce que je lui disais et là, il vient d'en sortir. Il ne doit pas réaliser tout ce qui lui arrive. Il est clair que ça peut être farfelu et irrationnel. Il n'est pas mort et il se retrouve ici. Habituellement, je n'assiste pas à cette prise de conscience, ils vont soit au Tartare, soit aux Champs Élysées. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris de lui proposer de venir chez moi.

Je me résigne à aller voir ce qu'il se passe. Je me concentre de toutes mes forces pour me téléporter à ses côtés. Je survole mon lit et je m'écrase à pleine vitesse contre le sol. Lamentablement. Je ne devais pas être assez concentrée. Je recommence, mais peine perdu, toujours le même résultat. Mais que m'arrive-t-il bon sang? Jamais un de mes pouvoirs n'avaient fait défaut jusqu'à aujourd'hui. Jamais.

Je me résigne à me rendre à sa chambre en marchant. La bonne vieille méthode qui fait très humain. J'ouvre la porte tout doucement et en m'apercevant, il se met à me lancer tout ce qui lui tombe sous la main.

L'incompréhension et la peur déforment les traits fins de son visage. Ses yeux bleus sont devenus plus foncés. Beaucoup de colère émane de son corps. Il me hurle :

- Sors d'ici, créature de Satan.

Satan? Non mais pour qui il se prend? Je me penche pour éviter le vase qu'il me lance. Il éclate en mille morceaux contre le mur.

- Eh! C'était mon préféré. Il avait plus de 100 000 ans.

C'était ma mère, la déesse de l'aurore, qui me l'avait offert avant que je ne sois expulsée. Elle l'avait reçu de sa propre mère. Je l'aimais bien, cela me faisait un souvenir d'elle.

- Je m'en fous, crie-t-il. Qu'est-ce que je fais ici? Pourquoi me retiens-tu prisonnier?

Mais qu'est-ce qu'il raconte? Je n'ai pas de temps à perdre avec ses conneries. Sans m'énerver je lui tourne le dos. Je sais que pour le moment je n'arriverais absolument à rien avec lui, sauf peut-être finir par le découper en morceaux. Je descends à la cuisine. Ce n'est pas vrai que je vais entrer en guerre avec un humain en crise avant d'avoir bu mon premier thé de la journée. Qu'il me laisse ma petite demi-heure de tranquillité et ensuite, on pourra se jeter tout ce qu'il veut à la figure. Mais tout de suite en me levant? Ce n'est pas envisageable.

Je m'installe confortablement à l'ilot avec une tasse bien fumante après en avoir préparé deux. Ce matin, j'ai choisi celui qui s'appelle « L'enfer des Anges ». C'est un mélange divin de thé vert à la rhubarbe et à la fraise. C'est un de mes favoris.

Je soupire de soulagement. Il ne crie plus. Lucifer, merci. Quoi? J'allais toujours bien pas dire Dieu merci. Vous me prenez pour qui? Je secoue la tête et passe ma main dans mes cheveux bruns. Je les ai hérités de ma mère tout comme ses yeux noirs. D'ailleurs, beaucoup de gens avaient prédit ma rébellion quant à la couleur de ceux-ci.

Alors que je lève les yeux au plafond, mon regard croise celui de mon invité. Il a l'air beaucoup plus calme que tout à l'heure. Je pousse la deuxième tasse devant lui sans un mot et le détaille du regard. Il doit faire tout au plus 1 mètre 70 et sa silhouette frêle laisse présager qu'il n'était pas un adepte des salles de sport quand il était sur terre. Cerbère vient se coller à lui et semble roucouler comme un petit oiseau. Mon chien a un trouble de personnalité multiple, sauvez-moi quelqu'un.

DamnationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant