Nous arrivons finalement au portail des Champs Élysées. Une clôture dorée orne joliment le vaste terrain vert. Un petit édifice gris et noir se dresse devant nous. Il s'agit du bureau du gardien. Ce dernier, grand et frêle, vient nous accueillir avec un large sourire. Abriel est un bon garçon mais c'est aussi un grand sentimental qui réfléchit beaucoup trop avant d'agir. Il est le gardien depuis cinq siècles seulement, mais avec Lux c'est mon plus fidèle et plus vieux employé. Nous avons vécu une petite idylle mais notre « histoire » s'est terminée il y a de ça environ 255 ans. Nous sommes rapidement passés à autre chose et je crois bien qu'il a un œil sur ma plus vieille amie. Et toi tu as l'oeil sur l'... Ah non! Recommence pas.
- Lucy! Quel plaisir de te revoir! Et Louis. Il marque une pause. Tu as l'air bien.
Louis hoche la tête et pour une fois, il ne dit pas un mot. Depuis quand est-il devenu muet ? Ça ne lui ressemble pas. Je lui en parlerai plus tard. Abriel me fait la bise et tend la main à l'humain qui refuse de la prendre. Je lui donne un coup de coude et il finit par obtempérer. Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour pouvoir lire ce qu'il se passe dans sa tête présentement.
L'ambiance est froide et je suis mal à l'aise. Habituellement c'est moi qui inspire ce genre de climat. Je décide donc de changer de sujet, au cas où le gentil Louis se transforme en méchant.
- Il n'y a rien à signaler, tout va pour le mieux ici?, demandé-je.
J'aime me tenir informer de ce qu'il se passe dans les autres coins de l'enfer.
- Tout est sous contrôle, en revanche, j'ai reçu la visite de ton frère Alexander.
Il n'a pas perdu de temps pour faire le tour du propriétaire celui-là. Qu'est-ce qu'il cherchait? Corrompre mon personnel?
- Que te voulait-il?
- Rien, dit-il rapidement. Il m'a demandé comment tu allais et comment se passaient les affaires. Et tu me connais, je lui ai à peine répondu.
Je n'ai pas à m'inquiéter. Je sais à quel point ils se détestaient ses deux-là. C'est probablement pour ça que j'ai tout de suite adoré Abriel quand je l'ai rencontré. Il a toujours été un homme de combat. Les plus grandes guerres qu'il a livrées sont celles qui se passent intérieurement. Il avait tout pour aller au paradis mais à cause de ses tendances autodestructrices, Saint-Pierre n'a même pas voulu l'admettre. Il lui a indiqué le chemin pour atterrir ici.
À l'époque, c'est moi qui l'avait accueilli. Nous avions longuement discuté et je lui ai proposé de s'occuper des Champs Élysées. Depuis, il travaille sur lui-même et gère les âmes qui entrent et sortent pour se repentir. Il n'a jamais commis de faux pas et je sais que je peux compter sur lui en toutes circonstances.
- Je vous laisse faire le tour, je suis très occupé aujourd'hui, dit Abriel. Et clairement, je ne suis pas trop le bienvenu. Bonne visite et Lucy, on se reparle très bientôt. Louis. Le salue-t-il d'un ton bref.
Louis ne prend la peine de lui répondre et part déjà dans l'autre direction pour commencer la visite. Prise au dépourvu, je reste plantée comme un piquet en regardant le gardien reprendre sa place et l'humain s'éloigner. Mais qu'est-ce que c'est que ça? Pourquoi ai-je l'impression d'assister à une crise de jalousie... sans bruit?
Je le rejoins et l'attrape par le bras pour le forcer à se retourner. Il se détache sèchement. Encore une première. Où est passé l'adorable petit humain qui me faisait un câlin tout à l'heure? Il jouait sans doute un rôle. Tranche-lui la tête, dit ma conscience. Je soupire. Qu'est-ce qu'elle est épuisante. Tu as dit qu'il jouait un rôle. Ça arrive dans les films que les acteurs se font trancher la tête, se justifie-t-elle. Continue comme ça et c'est la tienne qui se retrouvera sous mon couteau. Tu n'oserais jamais! Défi-moi!
Le silence est revenu. Ça fait du bien. Je décide de le confronter.
- Louis... c'est quoi cette attitude-là?
- Fais-tu confiance à tout ton personnel?, me demande-t-il abruptement. Il me regarde dans les yeux.
Choquée, je le regarde droit dans les yeux et j'y lis de l'inquiétude. Pourquoi cette question, mais bien sûr que je fais confiance à mon personnel. Ils ne m'ont jamais donné une raison de ne pas le faire. Est-ce que c'est à cause d'Alexander ? Il se met à douter de tout le monde ? S'il y a bien une personne d'honnête en enfer c'est bien Abriel. C'est impossible que ce garçon me trahisse. Je lui dis. Il prend une tête que je n'aime pas et ne dit pas un mot. Je le supplie de parler. Je déteste quand il garde le silence. Tu ne sais pas ce que tu veux, tu es déprimante. Qu'est-ce que je t'ai dit toi? J'ai réfléchi et si tu me tues, tu te tues et ça c'est juste impossible. Je n'en peux plus que quelqu'un la fasse taire. Je vais devenir folle.
- Ce n'est pas que je l'aime pas, je ne lui fais pas confiance c'est tout, m'avoue-t-il. C'est instinctif. Il y a quelque chose en lui qui ne me revient pas.
- Louis, je te garantie qu'on peut lui faire confiance. C'est mon plus vieil ami. Je l'ai recueilli, il me doit tout je ne vois pas pourquoi il me trahirait.
- Très bien, me coupe-t-il en plissant la bouche.
Son ton est sans appel. Je suis mieux de ne pas insister. Je soupire, qu'est-ce qu'il est enfantin. Je ne le comprends pas. Nous nous remettons à marcher. Je sais qu'il réfléchit mais à quoi? Ça je ne le sais pas. Mais je ne suis pas patiente. La personne qui me fera patienter n'est pas encore au monde. Je lui fais face mais il me devance.
- Je ne comprends pas comment tu peux faire confiance aussi aveuglément à n'importe qui, dit-il en revenant à la charge.
- Je te fais confiance.
- Peut-être que tu ne devrais pas, fait-il durement.
Quelque chose se brise en moi. Je ne saurais expliquer ce que sait. Une chose est sure, la haine bouillonne en moi.
- Je devrais te tuer, t'égorger, te regarder te vider de ton sang et m'en délecter par la suite!, le menacé-je en avançant vers lui. Il ne recule pas et me fait face.
Oui!, crie ma conscience en levant le poing en signe de victoire. Achève-le!
- Oui tu pourrais le faire, mais tu ne le feras pas, me dit-il étrangement confiant.
- Mais je suis...
- Je sais qui tu es, arrête de me le redire encore et encore. Arrête de justifier toutes tes actions par ton nom. À chaque fois que quelque chose ne se passe pas comme tu le voudrais, tu te réfugies dans la violence. On ne règle rien par ça. Tu es diabolique parce que ton père t'a dit que tu devais l'être ou parce que c'est ce que tu veux?
Je ne sais pas quoi dire. Même ma conscience s'est assise, elle-même hébétée. Je ne me suis jamais posée la question. J'avais agi, comme je pensais devoir le faire. C'était mon rôle. Mais suis-je encore et toujours le pantin de Dieu? Je n'ai jamais quitté sa gouverne. Il m'a envoyée ici en Enfer et j'agi encore sous sa volonté. Je suis sous le choc et je crois que ça parait. Louis se positionne devant moi et met ses mains sur mes épaules.
- Tue-moi si tu veux Lucy, je ne te résisterai pas. Mais fais-le parce que toi tu le veux et pas parce que quelqu'un te dit de le faire, termine-t-il doucement.
Il m'observe quelques secondes avant de me laisser en plan et de reprendre son chemin pour poursuivre sa visite des Champs Élysées.
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Voilà pour le chapitre 9!
Qu'en avez-vous pensé?
Faites vous confiance à Abriel ? Si oui pourquoi? Si non pourquoi?
On se retrouve pour un prochain chapitre!
À lundi pour le prochain chapitre!
Love! ❤
Dédé 🎀
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Damnation
General FictionQui a dit que le diable ne pouvait pas être une femme? La légende raconte que nous avons tous quelqu'un qui nous est prédestiné. Nous avons tous une âme soeur qui vit quelque part dans l'attente de nous retrouver. Au travers de nos nombreuses vies...