Sur la terre comme aux cieux.

2.

Bordeaux, FRANCE.

Le 20 Mars 2013. 12h21.

– Non... C'est pas vrai ?... Oh my god ! Il a dit ça ?

Dominique, bien que 100% français, adorait utiliser des expressions anglaises. Ça faisait "trooop tendance" comme il aimait dire.

27 ans, pantalon Prada, chemisette Gucci et chaussures "sports" Hermès, il était une fashion victime, une véritable gravure de mode. L'apparence avant tout. À qui voulait l'entendre, il répétait :"mieux vaut donner envie de se faire croquer, le goût ne viendra qu'après !". Et pour draguer ses futurs amants, il leurs disait :"m'essayer c'est m'adopter !"

Bien qu'il n'y ait aucune corrélation entre les deux, il était homo et coiffeur. Cela faisait deux ans qu'il possédait son salon pour homme cours de l'intendance. Il était de nature joviale, souriant et rigolant tout le temps. Ses clients adoraient sa compagnie parce qu'avec lui, à chaque fois qu'ils venaient, ils avaient l'impression d'assister à un spectacle, un show, et en ces temps de crise, toute pensée autre que financière était bienvenue.

Son rendez-vous de midi ne s'était pas montré et n'avait même pas eu la délicatesse de le prévenir. Les gens étaient d'un sans gêne, d'une impolitesse déconcertante. Peu importe, il ne manquerait pas de lui faire remarquer à sa façon et il s'en souviendra. Il avait profité de ce temps libre imprévu pour téléphoner à sa meilleure amie avant que son prochain client ne se montre. Tout en papotant au téléphone, il regardait le manège incessant des passants sur ce cours piéton du centre-ville. De temps en temps, le Klaxon du tram qui passait retentissait à l'approche de touristes, pas ou peu habitués au silence de ce transport électrique. Il est vrai que depuis sa mise en service, quelques accidents avaient eu lieu à cause de son silence. Même les habitants de Bordeaux, pas habitués à partager leurs rues avec cet intrus, avaient été surpris plus d'une fois et parfois malheureusement, mortellement. Une des joies du progrès.

La conversation avec son amie le tenait en haleine. À priori il y avait de l'eau dans le gaz. Chloé avait appris que son copain l'avait trompé. Dominique était aux anges. Il se retrouvait dans le rôle de confident qu'il aimait tant. Remontant le moral de son amie, il mettait tout en œuvre pour la consoler, la rassurer et la faire rire. De toutes les façons, il n'aimait pas François, ce fameux copain. Il savait tout sur tout, avait tout fait, tout vu, bref, le petit con dans toute sa splendeur.

– Anyway ma chérie, belle comme tu es, tu n'auras aucun mal à trouver "chaussure à ton pied » ! Et de toutes manières, mieux vaut être seule que mal accompagnée tu sais ?

Cela faisait deux minutes qu'il avait remarqué le manège de deux garçons, certainement un peu plus jeunes que lui, devant son salon. Ils s'arrêtaient, le regardaient, éclataient de rire et repartaient et ce, ainsi de suite. Les cheveux courts, parka militaire pour l'un, bombardier kaki pour l'autre, jeans délavés pour les deux, converses montantes pour la parka et docks montantes pour le bombers. Dominique avait développé un sens aiguë pour les fauteurs de troubles. Petit, il avait été la cible de tellement de garçons qui lui en voulaient d'être toujours entouré des plus belles filles de l'école et d'être efféminé. Las de ces bastonnades dont il avait toujours été la proie, il avait fini sur les conseils de son meilleur ami (le seul garçon qui osait le côtoyer en fait) par s'inscrire dans un club de kick boxing que tenait son frère à Cenon, en banlieue. Treize ans qu'il combattait maintenant et il se débrouillait plutôt bien. Avec tous les licenciés du club, il n'avait aucun problème. Certains avaient essayé au début quelques moqueries mais s'étaient vite ravisés après un combat d'entraînement. Dominique frappait vite, fort et était précis dans les parties visées.