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Christophe traînait avec Mathieu depuis un bon moment maintenant. Ils avaient tous deux rencards avec un pote à lui, un peu plus tard et en attendant, ils marchaient en direction de la place Gambetta, venant de la rue du Palais Gallien. Eux qui d'habitude chahutaient sans arrêt, étaient aujourd'hui bien calme sans savoir réellement pourquoi. Christophe qui en mettant tous les matins son réveil sur la station de radio : rires et chansons, était toujours d'humeur joyeuse en se réveillant au son des rires du public dans les différents sketches, mais se trouvait aujourd'hui inquiet, tracassé. Quelque chose en lui était bizarre mais il n'aurait pas su dire pourquoi. Il avait un pressentiment mais ne pouvait même pas dire s'il était mauvais ou pas, en tous les cas, ils avaient de la marchandise à refiler. Arrivés sur la place, ils se dirigèrent comme à leur habitude en son centre, légèrement à l'abri des regards indiscrets contre les arbustes. Encadrant un petit chemin, Mathieu d'un côté, Christophe de l'autre, ils appâtaient le client potentiel en l'interpellant et en énumérant le style de marchandise qu'ils vendaient : chichon, ecsta, acide ? Curieusement, il semblait à Christophe reconnaître chacun des acheteurs du moment. Alors qu'ils les interpellaient au hasard, chacune des personnes qui s'étaient arrêtée pour leur acheter du "matos", il l'avait l'impression de les connaitre ou tout du moins, de les reconnaitre. Se pouvait-il qu'il ait été suivi et qu'en fait les mêmes individus gravitaient autour de lui ? La police le surveillait-il depuis quelque temps au quel cas, ces personnes qu'il semblait avoir déjà vu seraient en fait des flics ? Ou alors, valait-il mieux qu'il arrête sa consommation personnelle de substances illicites qui étaient la cause de cette paranoïa aiguë ? Il n'y avait pas à dire, il fallait qu'il arrête un moment ses conneries.

- Mat ? Viens, on s'arrache, on va boire un verre.

- mais on n'a pas tout vendu !

- Ouai ben on reprendra plus tard ! Là, j'suis pas dans mon assiette, j'ai l'impression qu'on nous observe.

Mathieu le regarda étonné, puis en se gratta l'arrière de sa nuque lui dit.

- C'est marrant que tu dises ça, moi aussi depuis ce matin j'ai la bizarre impression que je croise des mecs que j'ai déjà vu alors qu'en fait, je suis sûr de ne pas les connaître ! -il fronça les sourcils et fit une grimace- Euh... T'as capté ce que j'voulais dire ?

- Ouai... Enfin j'crois !? C'est un peu comme ça pour moi aussi. Allez viens, on va s'poser un p'tit peu. J'crois qu'on travaille trop.

Il lui fit un clin d'œil et l'invita à le suivre d'un geste de la tête. Ils quittèrent la place Gambetta pour se diriger vers la rue Judaïque où il connaissait un pub tranquille. En y allant, ils n'échangèrent aucune parole, chacun plongé dans ses pensées.

Dominique n'en revenait pas. Bien que la longueur des cheveux de ses clients lui disait le contraire, il était persuadé les avoir vu la veille. Depuis ce matin, tout ce qu'il faisait, tous ses clients qui venaient ou qui appelaient, c'était comme s'il avait déjà vécu cette journée. Il avait l'impression d'être dans le film "un jour sans fin" où l'acteur Bill Murray revivait encore et encore la même journée. Comme pour le film, il trouvait ça drôle au début mais au fil du temps qui passait, cela le stressait quelque peu. Il fallait absolument qu'il en parle à sa meilleure amie, Chloé. En composant son numéro de téléphone, il réalisa que le fait de l'appeler, ça aussi il avait l'impression de l'avoir déjà fait.

- Oh my god !

Se dit-il en appuyant sur les touches. Au lieu de tomber directement sur son amie, il entendit sa messagerie et au "bip" convenu, laissa son message.

- Oui Chlo c'est moi, je vois que tu filtres tes appels et...

Il s'interrompit et réfléchit un instant quand un flash s'imposa à lui, il reprit.

- ... Sans doute que tu n'as pas envie de parler à ton ex parce qu'il t'a trompé. Appelle-moi.

Il appuya sur le bouton "terminer" de son iPhone et le posa sur le rebord de la caisse, l'écran dirigé vers lui. Il attendit 20 secondes avant que la sonnerie de son portable ne se mette à retentir et que la photo de son amie ne s'affiche.

- Alors tu filtres ?

En guise de réponse, il entendit hurler la voix de Chloé, débitant une foule de questions à son égard à une vitesse telle que cela en faisait un charabia incompréhensible.

- Houla darling, calme-toi, je n'ai rien compris de ce que tu m'as dit ! Alors prend une deep breathe et reprend plus calmement s'il te plaît !

Il entendit à l'autre bout de la ligne la jeune fille inspirer profondément et reprendre sa série de questions en exagérant l'articulation sur chacun de ses mots.

- D'abord et d'un : pourquoi m'appelles-tu en cachant ton numéro ? Deuxièmement : comment sais-tu que cet enfoiré, cet... Cette bite sur patte m'a trompé ? Tu l'as vu ou quoi ? Tu y étais ? Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Ça fait longtemps que tu le sais ? ...

Le débit de ses questions commençait sérieusement à se réaccélérer tant est si bien que Dominique la stoppa net.

- On se calme j'ai dit ! Alors number one : mon numéro est caché parce que je ne sais plus pourquoi et ce n'est pas important ! Number two : ce n'est pas parce que je l'ai vu ou autre que je sais qu'il est allé voir ailleurs. Je ne sais même pas si tu me croiras quand je te raconterai comment je m'en suis douté !

- Essaie toujours !?

Son portable coincé contre l'épaule et son oreille, il mît les deux mains en avant comme si elle était devant lui et lui expliqua à grand renfort de gestes à en faire pâlir un italien pure souche. Il commença à lui raconter sa matinée avec ses clients, comment il avait eu l'impression de les avoir vu la veille, les prises de rendez-vous par téléphone où il savait presque qui l'appelait avant même qu'il ne décroche et enfin, comment il avait eu cette intime conviction que son mec l'avait trompée. Alors qu'il lui racontait ses sentiments prémonitoires, il vit passer devant son salon, deux jeunes hommes qui attira son attention. Les deux jeunes se retournèrent vers lui et s'arrêtèrent aussi sec en le voyant. Tous deux semblaient gamberger en le voyant. En temps normal, Dominique aurait pu se sentir flatté si ce n'est que lui aussi se sentait intrigué par eux. Il se rapprocha de la porte d'entrée de son salon comme attiré vers eux. Il coupa court à la conversation d'avec son amie et sans même attendre qu'elle lui réponde, cliqua sur le bouton de fin d'appel. Arrivé sur le pas de porte, deux mètres le séparaient des deux garçons. Comme s'ils se jaugeaient, ils se détaillèrent mutuellement et c'est lui qui fit le premier pas en leur posant une question qui en fait, bizarrement, se trouvait être une évidence. Il fronça les sourcils.

- Christophe ? Matthieu ?

À chacun des prénoms prononcés, il désigna de l'index les propriétaires respectifs. Les deux ne parurent absolument pas surpris et à leur tour, à l'unisson prononcèrent.

- Dominique ?

Tous deux se regardèrent puis revinrent sur le coiffeur. Christophe étonné de ce qu'il ressentait, se mît à sourire.

- Je ne sais pas pourquoi mais je suis vachement content de te voir.

Dominique lui rendit son sourire. Pour lui aussi, c'était comme retrouver des êtres chers, des personnes qu'il n'avait pas vu depuis une éternité et qu'ils lui avaient manqué terriblement. Tous savaient pourtant qu'ils ne s'étaient jamais vus et malgré cela, se connaissaient parfaitement. Instinctivement, ils levèrent la tête vers le ciel mais ne virent rien de particulier.

- Venez, rentrez, je crois qu'on a beaucoup à se dire.

Dominique leur indiqua l'entrée de son salon de la main. Christophe et Mathieu s'avancèrent et curieusement, se trouvaient comme... Soulagés.

Sur la terre comme aux cieux.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant