Le piment de la vie (Ah, l'aventure...)

Le piment de la vie

Ce soir, séance cinéma avec ma meilleure amie, son petit frère et son père. Au départ, nous devions aller voir le film l'avant-veille, mais nous étions terriblement en retard, alors on a reporté.

Je pars un peu plus tôt pour avoir du temps avant d'aller au cinéma, et prends soin d'informer ma mère que je reviendrai vers vingt-deux heures trente.

Le film est assez cool, plein d'effet spéciaux et de fonds verts, sans doute. Et puis, il est en version originale sous-titrée français. Que faire de plus ?

Après la séance, mon amie me propose de manger chez elle, et pourquoi pas de dormir, dans la foulée. J'hésite, mais accepte. J'envoie un message à ma mère, un peu à contrecœur. J'avais initialement prévu de rentrer... Et puis, j'avais déjà passé la nuit avec elle deux jours plus tôt. Encore maintenant, je me demande pourquoi j'ai accepté. J'aurais tout simplement pu refuser ! Mais non. C'est mon côté «je-ne-sais-pas-dire-non» qui prend le dessus. Tant pis, je vais me débrouiller pour rentrer chez moi quand même.

Le temps de préparer le repas, ma mère me répond. Par l'affirmative, bien sûr. Elle précise qu'elle partira tôt de la maison le lendemain, donc que je ne m'inquiète pas à mon retour. Que faire, à présent ? Sur un coup de tête, je supprime les messages. Je vais prétendre que je n'ai pas eu de réponse et que, par conséquent, je vais devoir rentrer à la maison.

Nous mangeons, bavardons, et mon amie ainsi que son père me ramènent chez moi. Bisou, salut, on s'envoie des SMS de toute façon, bye. J'ouvre le portail, le referme à clé. Et les voilà repartis. Sauf que mon soulagement est de courte durée.

La porte est verrouillée. Impossible de mettre ma clé dedans.

Je me frappe mentalement le front du plat de la main.

Bon sang, mais suis-je bête ! Pourquoi n'y ai-je pas songé plus tôt ? Je sais pourtant que ma mère ferme toujours la porte d'entrée avant d'aller dormir ! Je commence à m'inquiéter. Où vais-je passer la nuit ? Et comme un problème n'arrive jamais seul, j'ai la vague envie d'aller aux toilettes. Je ne vais pas appeler le fixe, ça va réveiller tout le monde. (Je précise que, étant de nature assez timide et réservée, j'ai un mal fou à appeler les gens sur un téléphone.) J'envoie un message au contact «maman», avec le maigre espoir qu'elle ne dorme pas encore. Mais il est quand même vingt-trois heures trente.

23:42 - « Finalement je suis rentrée ! »

N'obtenant pas de réponse, je lève la tête et tente d'apercevoir de la lumière par les fenêtres. Celle de ma sœur aînée ? Ce n'est pas la peine d'y penser, il y a deux pourcents de chance qu'elle réponde. Je tente quand même, ça ne coûte rien.

23:43 - « Hey ! »

J'attends un peu, puis appelle en croisant les doigts. Après deux sonneries, la messagerie s'active, et je mets fin à l'appel, découragée.

23:52 - « Lucille ? Help me ! »

Bien sûr, toujours aucun signe de vie. J'ouvre la porte du garage. Dans le pire des cas, il y a tout ce qu'il faut là-dedans pour passer la nuit. Sac de couchage, tapis de sol. Et pas grand-chose de plus, en fait. Soudain, une idée folle germe dans mon esprit, la fatigue aidant. Et si j'escaladais la terrasse ? De là, je pourrais toquer à la porte-vitrée, et je serais plus audible pour le deuxième étage que tout en bas !

Décidée, avec un début d'excitation qui monte en moi, je me poste au pied du mur, lorgne la barrière. Okay, on peut déjà exclure l'option « sauter et se hisser ». Je me connais, tout ce que je réussirai à faire, c'est me blesser stupidement. Heureusement, le patio couvre plein de choses utiles. J'attrape un tabouret, monte dessus. Il me manque une dizaine de centimètres. C'est un peu frustrant et pourtant, je me sens étrangement vivante. Je prends une clôture de bois (pour les plantes, vous voyez ?) enroulée sur elle-même, la pose debout sur le tabouret et recommence. Encore quelques centimètres... J'ajoute deux clôtures (raides, celles-ci) que je place sous la première, monte à nouveau et...