Du rouge et du noir (et du jus d'orange)

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J'appuyai sur la sonnette de l'immeuble et attendis. Au bout de quelques minutes, un craquement se fit entendre dans l'interphone :

- Oui ?

- C'est Eléonore Beauvallet, je viens pour l'hébergement.

- Ah, je t'ouvre.

Un bip désagréable se déclencha et je poussai le lourd battant vitré. J'appelai l'ascenseur. Mon hôte logeait au cinquième étage, porte 13. Un jeune homme ébouriffé, en jogging, débardeur et pantoufles de grand-mère m'accueillit. Il avait des pointes rouges en dégradé sur ses cheveux noirs et un nombre incalculable de piercings aux oreilles.

- Salut ! s'inclina-t-il avec sympathie.

- Euh... Salut. Tu es...

- Amaryllis Marceau, c'est bien ça ! Entre, ne reste pas dans l'entrée.

Il me fixa tandis que je passais devant lui avec ma valise.

- Ma foi, tu es bien chargée. Tu as pris le train pour venir ?

- Oui.

- Ça n'a pas dû être simple. Tu veux boire quelque chose ? Du jus d'orange ? Du coca ? Du jus d'orange ? Du jus d'orange sans pulpe, peut-être ?

La répétition m'arracha un sourire.

- Tu n'as que du jus d'orange ?

- J'ai aussi du Coca.

- Oui, mais sur quatre propositions, tu as inclus trois fois le jus d'orange.

Il haussa les épaules.

- J'aime bien ça. Alors, tu en veux ?

- C'est gentil mais non merci.

- Tu en es sûre ?

- Certaine.

- Bon.

En contrepartie, il posa sur la table une assiette de sablés surmontés d'un glaçage sucré blanc. Ils étaient vraiment bons.

Il me présenta un cintre où accrocher mon manteau, ainsi que le placard à chaussures, puis me fit faire le tour de l'appartement.

- Et voilà ta chambre ! Je te laisse t'installer ; si tu as besoin de quoi que ce soit, je serai dans ma chambre, en face, jusqu'à dix-huit heures trente. Tu as des étagères ici pour ranger tes fringues et planquer ton journal intime, et les draps ont été nettoyés par mes soins - et ceux de la machine à laver - pour l'occasion. Enjoy !

Et il referma la porte sur cette note britannique. J'ouvris ma grosse valise rouge et triai les vêtements et autres affaires rangés à l'intérieur. Une paire d'écouteurs blancs (pour remplacer le casque audio rouge et noir accroché à mon cou en cas d'accident), mon ordinateur portable, ma console, mon chargeur de console, le chiffon pour nettoyer ma console, des cartouches de jeu pour ma console, un déodorant, une trousse de toilette comprenant le strict minimum, un livre, deux livres, cinq livres, une liseuse, trois dictionnaires franco-allemand, anglais et italien, et... des affaires de cours. Pas de journal intime. Je n'ai pas de journal intime. Pourquoi aurais-je besoin d'un journal intime ?

À dix-neuf heures trente, on toqua à ma porte. Mon hôte passa la tête par l'entrebâillement.

- On mange. Tu viens ?

Je pris place à la petite table ronde une ou deux minutes plus tard. Au menu : gratin de courgettes - bio, précisa le jeune homme aux piercings.

- Préparé par mes soins - et ceux du four ! ajouta-t-il en versant du jus d'orange dans son verre.

Le piment de la vie (Ah, l'aventure...)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant