Le manoir dans le noir (partie 2)

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Elle reçut un choc à l'arrière du crâne et s'effondra sur le carrelage.


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La porte claqua doucement. Le bruit produit se répercuta dans son crâne à l'infini en causant une douleur insupportable. Karen se prit la tête entre les mains.

– Aaah...

Ce simple gémissement étouffé retentit également avec force dans sa tête.

– Merdeuh, jura-t-elle dans un automatisme stupide.

Les trois son résonnaient à présent joyeusement dans sa boîte crânienne. La fête au village, youpi. Argh. Elle avait connu mieux, comme réveil.

Elle souleva difficilement les paupières, mais la lumière environnante l'agressa si violemment qu'elle les referma immédiatement. Génial ; en plus d'être ultrasensible – ou sourde, c'était un peu confus –, elle venait de devenir aveugle.

Elle avait juste eu le temps d'apercevoir une silhouette à côté du lit – un homme.

Aah, et cet accord dissonant qui persistait dans son crâne !

Elle entendit le bruit des tringles d'un rideau, et le soleil qui filtrait à travers ses paupières se dissipa, lui permettant d'ouvrir franchement les yeux sans se griller les pupilles. La chambre – sa chambre – était à présent plongée dans la pénombre. Il y avait juste assez de lumière pour permettre de distinguer l'intérieur de la pièce.

– Tu devrais aller mieux d'ici quelques minutes, murmura une voix grave qui semblait bien au courant de son état.

Karen grimaça quand celle-ci prit le relais dans sa tête. C'était totalement désagréable, mais plus supportable que cinq minutes plus tôt.

– Que faites-vous ici, Victor ? marmonna-t-elle lorsqu'elle estima que l'écho persistant s'était suffisamment affaibli.

Bon sang, c'était pire que la gueule de bois qu'elle avait eu le lendemain de la soirée organisée pour ses dix-huit ans, où elle s'était retrouvée à danser sur la table du salon en sous-vêtements, pour ensuite demander à son reflet sur un écran de portable éteint s'il voulait bien l'épouser, avant d'élégamment vomir aux pieds des parents de son petit ami, quelques heures plus tard. Rupture assurée.

La plus grosse honte de sa vie. Le pire, c'est qu'elle n'en gardait aucun souvenir.

– Tutoie-moi, enfin, on a le même âge.

– Je ne tutoie pas les inconnus.

– Je suis Victor Legardien, vingt-cinq ans, cinquante pour cent québécois.

Elle grommela quelque chose d'incompréhensible et enfouit sa tête dans son oreiller.

– Tu as raison, admit soudain le jeune homme après un long silence.

Elle le dévisagea du coin de l'œil.

– À quel propos ?

– De la personne manquante.

Elle le regarda franchement.

– Vraiment ?

– Mais on n'a pas le droit d'en parler.

– Même pas ici ? fit-elle, sceptique.

– Les murs ont des oreilles...

Elle s'assit dans son lit, mécontente.

– Oui, ben moi aussi. Et j'aimerais bien qu'on m'éclaircisse sur la raison pour laquelle on m'a sauvagement assommée ; je suis sûre que c'est en lien avec la disparition.

Le piment de la vie (Ah, l'aventure...)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant