BROKEN [ TBS ]

Broken Eight

Thomas était resté debout, me fixant d'un air embêté.

- Arrête tes conneries, Jessie. Tu vas rien m'apprendre dans ton état.

- Détrompe-toi, Sangster, m'exclamai-je en le menaçant avec mon index. Moi, je vais te dire que le passé : c'est du passé !

Il soupira et croisa les bras contre sa poitrine, ne cessant de me dévisager avec impatience. J'en profitai pour boire une gorgée de mon jus de pomme avant de prendre la parole.

- Écoute, repris-je en m'essuyant la bouche, j'ai perdu des gens moi aussi. Comme toi, devant mes yeux !

Je faisais des gestes un peu trop exagérés, mais je n'étais pas dans mon état normal. Et apparemment, mes paroles avaient retenus l'attention de Thomas. J'étais fière pour le coup.

- Tu sais, j'avais un petit frère. Il avait, quoi... Deux ans de moins que moi. Et... Et j'avais un papa alcoolo. Un putain d'alcoolo !

- Et tu fais quoi là ? gronda sévèrement le blond.

- Je bois du jus de pomme, mon cher Thomas ! lâchai-je en levant mon gobelet. Et puis c'est pas pareil, je fais pas ça tous les jours, moi ! Et puis lui, il était super méchant.

En réalité, plus je parlais, et plus je me sentais mal. Une boule se formait petit à petit dans ma gorge, me faisant presque mal dès qu'un son sortait de ma bouche.

- C'était pas facile à la maison... expliquai-je à nouveau en observant l'intérieur de mon gobelet. Il nous faisait du mal, tu vois ? Genre, il nous frappait. Et mon frère, même si c'était le plus petit, il voulait nous défendre. Mais c'était pas un super héros.

Je secouai vivement la tête.

- Non, il l'était pas, continuai-je sans lâcher mon gobelet du regard, alors que ma vision devenait flou. Un jour, ce jour là, mon père était... Déchainé ! Mon frère a voulu faire le super héros, mais ça a pas marché. Ma mère pouvait pas me protéger, alors il a essayé de nous défendre. Et puis BOUM ! m'exclamai-je en fermant les yeux. Mon père l'a frappé, il est mal retombé sur la tête et... Je l'ai secoué, encore et encore, et encore ! Mais il s'est plus jamais réveillé.

Thomas ne disait pas un mot. Il avait la bouche entre-ouverte, ne sachant visiblement pas quoi dire, ni comment réagir. Je relevai alors les yeux pour le regarder, et souris.

- Mais regarde, dis-je d'une voix tremblante, je vais bien ! Il est en prison, on a pris un nouveau départ avec maman, on a déménagé.

Cette fois, il s'approche de moi. Son air est bizarre, comme s'il était... Triste.

- Ça s'est passé quand ? demanda-t-il d'une voix douce.

Un sanglot s'échappe de mes lèvres tremblantes, mais je le ravale rapidement.

- Il y a quelques mois... Six mois avant qu'on arrive ici.

Je le vois hésiter, mais il avance encore et enroule ses bras autour de mes épaules. Je ferme un instant les yeux. Voilà qu'il me prenait en pitié. Je détestais ça, mais bizarrement, j'avais envie de savourer son étreinte. On ne m'enlaçait pas souvent, c'était réconfortant. Mais je devais me ressaisir. Alors je le repoussai lentement quelques secondes après, secouant la tête.

- Me prend pas en pitié, Thomas. C'est... C'était pour te dire que voilà, j'ai avancé, je vais bien. Les cicatrices sont présentes, mais elles ont guéri. Et toi aussi, dis-je en posant ma main contre son torse. Toi aussi, Thomas, tu peux guérir...