Le grincement d'une porte s'ensuit d'une sensation d'humidité glaciale qui remonte dans ma colonne vertébrale comme une décharge électrique. Je ne sais pas où nous sommes mais cette pièce me fait ressentir des choses très étranges. Le tissu qui me recouvre le visage se soulève et une brise fraîche me pique les joues. J'ouvre les yeux et j'observe, éberluée, la scène qui se présente à moi.
Quatre silhouettes, habillées de capes noires, le visage dissimulé derrière des masques sombres, nous fixent en silence. L'une d'entre elle finit par s'avancer d'un pas et déclare sur un ton théâtrale :
— Mesdemoiselles, bienvenues dans notre sororité.
Elles s'écartent toutes en chœur pour nous présenter, au mur, le nom de l'organisation écrit en lettres grecques : NYMPHAE.
Je suis abasourdie. J'ai lu pas mal d'histoires au sujet des sororités, ces cercles élitistes réservés aux filles de la haute société, mais je ne pensais pas qu'elles existaient en France.
En même temps, ce n'est pas si étonnant dans un lycée si prestigieux, et je pense que cette coutume est loin d'être récente. La salle longiligne dans laquelle nous nous trouvons est entièrement tapissée de velours bordeaux abîmé par le temps. De chaque côté, les murs sont habillés de tableaux qui semblent être des pièces de collection - ou du moins de très bonnes imitations - de représentations historiques, dont le fameux baptême de Clovis, qui semble s'agiter dans son écrin de peinture sans pouvoir en placer une, lui non plus.
J'observe à nouveau ces lettres en face de nous avant de remarquer la grosse sculpture géométrique en acier posée au sol, juste en dessous. Une structure métallique encercle quatre triangles avec au centre une sorte de soleil, ou bien une étoile. Je reconnais ce symbole, je suis sûre de l'avoir déjà vu quelque part.
Une fille longiligne aux boucles brunes débordant de sa longue toge prend alors la parole :
— J'espère que vous ne nous en voulez pas pour cet accueil, mais cet endroit doit rester secret.
Sur le même ton très solennel, elle nous explique que c'est la coutume de cacher le visage des recrues pour qu'elles ne sachent pas comment revenir si elles n'étaient finalement pas retenues. Parce que la sororité Nymphe est, selon ses dires, la plus puissante d'Europe ; « l'élite de tout le continent » ; « enviée même Outre-Atlantique ».
A l'entendre, on croirait que certaines filles seraient prêtes à tuer pour faire partie de leur petit groupe. En ce qui me concerne, cette impression de secte aux membres lobotomisés et imbus d'eux-mêmes ne me fait absolument pas rêver.
— Evidemment, il n'y a que très peu de places à pourvoir, c'est pourquoi seulement l'une de vous sera sélectionnée pour entrer dans notre sororité.
Carole ne lui laisse pas le temps de continuer et la coupe dans un éclat de rire des plus insolents:
— Vous croyez quoi, que vous pouvez nous ligoter et nous mettre en compétition comme de vulgaires volailles?
Je dois avouer que sa réaction me rassure, en plus de m'offrir le plaisir de constater la réaction décontenancée de ces pimbêches. Malgré son goût prononcé pour la compétition et la réussite sociale, Carole n'a pas hésité une seconde. De mon côté, j'observe la scène sans dire un mot, comme s'il s'agissait d'une pièce de théâtre. Tout cela me semble tellement irréel, je me demande presque si je ne suis pas en train de rêver.
Les yeux de la grande brune sont maintenant injectés de colère et de vexation. Elle semble ravaler sa fierté pour tenter de nous convaincre que notre vie serait transformée en intégrant leur sororité mais Carole reste indémontable :
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SACRAS - Tome I : Prélude
ParanormalElsa est née sous une bonne étoile. Entourée de parents aimants et d'amis fidèles, elle a passé une enfance heureuse à voyager à travers le monde. Lorsqu'elle intègre l'un des plus prestigieux lycées de France, accompagnée de ses meilleurs amis, Ca...