CHAPITRE V

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Dimanche 6 Novembre

Carole est de plus en plus distante. Je sens qu'il y a quelque chose qu'elle ne me dit pas mais je n'arrive pas à la faire parler. Tout se passe pourtant très bien dans notre nouveau groupe, à l'exception d'Hugo qui a du mal a digéré sa rupture et reste un peu à l'écart. Mais lorsqu'ils ont décidé de sortir tous ensemble vendredi soir, j'ai préféré rentrer me reposer et, surtout, continuer mes recherches. Bizarrement, j'ai alors eu l'impression que Carole était... soulagée.

Je préfère laisser toutes ces histoires de côté pour l'instant. Je suis retournée à la bibliothèque cette semaine pour emprunter des livres et j'ai beaucoup à faire. Je n'ai pas pu voir le professeur Haagen, qui était malheureusement en congé, d'après le grand échalas toujours si peu aimable. Je vais donc devoir me débrouiller seule.

« Les quatre font le Tout et le Tout est les quatre. »

Une évidence me vient à l'esprit : nous avons trouvé quatre éléments ; le tableau, le parchemin, la carte et le livre. Ce sont les quatre pièces du puzzle, voilà ce que signifie cette phrase, c'est la notice de ce que nous avons à faire, la règle de notre jeux de rôle : trouver le lien entre ces quatre indices, trouver le Tout.

J'ai passé la journée d'hier à reprendre l'Histoire de l'Europe au Ve siècle ; les invasions barbares qui ont détruit l'empire romain d'Occident, et tout ce que j'ai pu trouver sur le début du Moyen Age. Il n'y a que très peu d'écrits sur cette période, le plus souvent des contes populaires qui revisitent la véritable Histoire. Malgré tout, je pense avoir trouvé quelques informations intéressantes.

A l'âge de bronze danois, quelques siècles avant notre ère, les tribus du sud de la Scandinavie sont descendues vers l'Allemagne et les rives de la mer Baltique. Ces peuples du Nord se sont facilement mélangés, notamment grâce à leurs croyances communes. Leurs dieux avaient des représentations très semblables, et systématiquement, la nature et la divination étaient placées au cœur de leur tradition. Et surtout, les fameuses runes étaient utilisées pour les pratiques divinatoires de toutes ces cultures dès le début du Ier millénaire. En plus de leur servir à communiquer, ces lettres étaient, selon eux, dotées de pouvoirs surnaturels. Des femmes, décrites comme « âgées et habillées de blanc », les « völvas » ou prêtresses, les utilisaient pour soigner ou pour y lire l'avenir. Elles étaient capables de « communiquer avec les éléments de la nature », et elles étaient les seules à savoir le faire; d'où le nom « Rūn » signifiant « secret ».

Je prends bien note de tout ça et continue à éplucher ce livre passionnant sur la mythologie nordique.

D'autres êtres fabuleux font leur apparition ; il y a les géants, les elfes, les dragons... Et une histoire retient encore mon attention ; celle de Sigurd, le « grand guerrier qui abattit le dragon Fáfnir ». Après avoir tué le dragon, Sigurd but son sang et, pris d'une force surhumaine, il rejoignit Frakkland, le pays des Francs, où dormait d'un sommeil forcé sa bien-aimée, une walkyrie nommée Brynhildr. Comme dans le conte de la Belle au Bois Dormant, le preux chevalier vainquit les flammes pour délivrer sa bien-aimée, mais la fin est plus tragique ; Sigurd, ensorcelé, en épousa une autre, et, folle de rage, Brynhildr le fit assassiner, avant de comprendre la vérité.

Ces histoires me permettent de resserrer les liens entre mes indices. Les femmes et la magie ont clairement une place prépondérante dans cette mythologie, ce qui me conforte dans l'idée que la fée Morgane est la clef de l'énigme.

J'ouvre un nouvel ouvrage sur l'âge sombre de la Grande Bretagne, cette fois. Cette période, marquée par le retrait de l'armée romaine dans les années 400, fut une période noire, saccadée par les violentes attaques de ces fameuses tribus du Nord, et plus particulièrement des Angles et des Saxons. Ce serait la peur que ces étrangers inspiraient aux peuples celtes qui aurait engendré les nombreux récits de cette époque, sombres et peuplés de créatures extraordinaires, comme celui du Roi Arthur. Je lis d'ailleurs ici qu'Arthur aurait été, en réalité, un chef de clan au service des rois bretons qui souhaitait par dessus tout se débarrasser des Saxons. Il y a très peu de preuves mais des vestiges de son existence auraient été trouvés au château de Tintagel, sous le nom d'Artognov. Et il serait finalement parvenu à ses fins en massacrant les Saxons au mont Badon vers l'an 500. Ce qui pourrait peut-être correspondre à la bataille décrite dans le livre.

SACRAS - Tome I : PréludeWhere stories live. Discover now