Jeudi 27 Octobre
Ses yeux se plissent derrière ses petites lunettes rectangulaires. Il tourne le parchemin entre ses doigts encore et encore, me faisant craindre le pire. J'ai inventé l'avoir trouvé en feuilletant un ancien manuscrit de la collection de mes parents mais Monsieur Reuilly semble perplexe :
— C'est vraiment étrange. Ce papier semble authentique. C'est impossible que ce parchemin soit d'époque.
Le professeur est tellement concentré sur la provenance de ma trouvaille que je commence à m'inquiéter. S'il s'agit vraiment d'œuvres originales que nous avons trouvées, gardées illégalement chez les Hansen, je pourrais leur attirer de graves problèmes. Mes joues commencent à me brûler ; j'aurais dû recopier ces lettres sur une simple feuille, faire une photocopie au moins ; j'ai vraiment été stupide !
— Je ne suis pas capable de le déchiffrer mais je suis persuadé qu'il s'agit là d'alphabet runique.
Devant mon air à la fois dépité et interrogateur il finit par esquisser un sourire suffisamment franc pour me rassurer :
— Ce pourrait être une immense découverte Elsa ! Tu devrais aller voir mon ami le Professeur Haagen qui travaille à la bibliothèque Sainte Geneviève, je pense qu'il pourra t'aider.
Il me tend le parchemin mais ne le lâche pas encore.
— Tu me tiens au courant hein ? ajoute-t-il.
J'acquiesce pour qu'il me laisse partir.
J'irais voir le professeur Haagen, je n'ai pas d'autre alternative, mais je ne peux pas prendre le risque de montrer ce parchemin à un parfait inconnu. Je le photocopie et je le range précieusement.
La question de la provenance de ces objets me trotte toujours dans la tête ; Carole, elle, est persuadée que ces filles de la sororité sont derrière tout ça, et que Monsieur Reuilly est certainement un complice ; de mon côté, je me demande surtout ce que fait ce bunker dans le jardin des Hansen. Mais ça fait longtemps que je n'ai pas pu passer un peu de temps seule avec elle et je suis bien trop contente qu'elle ait accepté de venir pour remettre ça sur le tapis. Surtout que je la sens de plus en plus éteinte en ce moment ; elle n'est plus aussi joyeuse et insouciante qu'à son habitude et ça me fait beaucoup de peine.
Nous remontons la rue Clovis jusqu'à la bibliothèque située juste en face du Panthéon. La Montagne Sainte-Geneviève est incontestablement un endroit incroyable et tous ces bâtiments qui se succèdent, plus majestueux les uns que les autres, sont là pour nous rappeler en permanence son historique unique. Déjà à l'époque romaine, les arènes de Lutèce avaient été bâties ici. Ensuite, c'est Clovis, premier roi des Francs, qui a choisi d'y édifier l'abbaye Sainte Geneviève, avant que le pape Honorius III ne décide d'y apposer l'église Saint Etienne du Mont pour accueillir les fidèles de plus en plus affluents. Louis XV, enfin, y fit construire une église dédiée à la Sainte, mais celle-ci n'eût pas le temps d'accueillir ses premiers croyants que la Révolution avait soulevé la France, décapitant la royauté et tous ses symboles. L'édifice devint alors un lieu laïc où reposeraient les personnalités « exceptionnelles » de France : le fameux Panthéon, bannière de la démocratie Française.
La grande bibliothèque paraît presque modeste au milieu de tous ces édifices, sans colonnes néo-classiques, ni fronton imposant. Elle s'étend sur des dizaines de mètres de longueur et sur deux étages seulement. Celui du dessous est décoré d'une simple guirlande de bas reliefs végétaux frappés des initiales SG, comme le sceau de la Sainte. Celui du dessus est un alignement de grandes fenêtres en arc boutant, toutes posées en haut de plaques commémoratives gravées aux noms des Lumières et des plus grands penseurs du pays.
YOU ARE READING
SACRAS - Tome I : Prélude
ParanormalElsa est née sous une bonne étoile. Entourée de parents aimants et d'amis fidèles, elle a passé une enfance heureuse à voyager à travers le monde. Lorsqu'elle intègre l'un des plus prestigieux lycées de France, accompagnée de ses meilleurs amis, Ca...