SACRAS - Tome I : Prélude

CHAPITRE XVI

Lundi 12 Mars

Une femme éblouissante est assise devant moi ; sa chevelure couleur de jais soigneusement rehaussée laisse apercevoir les joyaux qui scintillent à ses oreilles, mettant en valeur ses sombres yeux en amande. Sa robe en satin pourpre retombe gracieusement sur le sofa sur lequel elle se repose, laissant deviner des courbes voluptueuses. Un homme entre soudain par la grande porte en bois entourée d'une mosaïque de carreaux de terre cuite. Il passe les colonnes de marbre blanc, descend les marches aux pavés d'argile multicolore et contourne la fontaine qui perce le sol pour arriver jusqu'à nous.

La femme se lève en hâte, faisant glisser son étoffe sur le cuir sombre, et lui tend les mains avec tendresse et inquiétude. Il lui parle en arabe, je ne comprends pas ce qu'il dit jusqu'à ce qu'elle s'écroule à ses genoux, en larmes, et supplie :

— Ils ne peuvent pas nous faire ça, Ahmed, pas mon bébé...

L'homme semble vouloir paraître plus fort mais je ressens sa peur à lui aussi :

— Sofyan sera le meilleur de nous.

— Comment ça va aujourd'hui ?

L'affabilité d'Alexandre m'agace :

— Pourquoi ça n'irait pas ?

— Euh... Je ne sais pas. Tu es tellement pâle, tu n'as pas vraiment l'air bien.

C'est vrai que je n'ai pas pris la peine de me regarder dans une glace et la réalité se lit peut-être sur mon visage plus que je ne pensais. Je constate alors que Carole et Fred nous observent religieusement. Elle me regarde avec une prévenance que je ne lui connaissais plus, on croirait presque qu'elle s'inquiète pour moi elle aussi. Ça ne me rassure pas, je dois vraiment faire peine à voir.

— Je suis malade, une mauvaise grippe, me défendé-je.

— On est là si tu as besoin tu sais.

Sa voix teintée de désarroi me fait culpabiliser. Mais je n'ai aucune envie d'en parler. Surtout pas à eux. Après tout, je ne sais pas quel est le véritable rôle des Hansen dans tout ça.

Et puis j'ai si honte.

Vendredi 30 Mars

Cela va faire trois semaines que tout est arrivé. Pourtant j'ai l'impression que c'était il y a un siècle que je rejoignais Sofyan chaque matin, heureuse et insouciante.

Je me remets doucement, petit à petit. Je ne vois plus son visage à chaque seconde de la journée. Uniquement le matin, quand ces rêves viennent me rappeler la profondeur de ma blessure. Et puis l'image s'efface, la réalité reprend sa place, la vie continue de s'écouler et je n'ai pas d'autre choix que de me laisser suivre son cours.

Alexandre, Carole et Frédéric restent à mes côtés. J'ai besoin de cette présence familière et Kevin m'a assuré qu'il n'y avait rien à craindre. Nous ne parlons pas vraiment mais ils sont là, près de moi.

Kevin ne me lâche pas non plus. Il est là de jour comme de nuit, se rapprochant des Hansen et restant avec Anta et moi presque tous les soirs. Il dit qu'il attend que je sois prête pour avancer ; et apparemment, il doit considérer que je le suis, vu qu'il nous emmène, demain, rencontrer les fameux Angelum.

Il y aura des membres très importants de l'antenne parisienne et je pense qu'ils auront beaucoup des réponses à nos questions.