CHAPITRE XIV

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La rage a laissé place à l'angoisse. Qu'est ce que je vais devenir ? Comment Anta pourrait-elle me retrouver ? Et mes pauvres parents...

J'observe autour de moi mais il n'y a pas grand-chose à voir ; les armoires se succèdent comme dans la salle précédente et deux longues tables hautes en acier trônent au milieu de la pièce. Il n'y a rien dessus mais les traces d'usure laissent deviner une longue utilisation. Que se passe-t-il ici ? Et ce large miroir qui prend tout le pan du mur en face de moi, à quoi peut-il bien servir ?

— Il y a quelqu'un ici ?

Je me demande quelle est cette voix criarde et apeurée qui vient de raisonner dans le vide. Je crois que c'est bien la mienne. Et il n'y a personne pour y répondre. Une odeur particulière me prend au nez, piquante, poivrée. Je n'arrive plus à garder les yeux ouverts. Je tente de crier mais je n'entends plus rien. Je ne vois plus rien. Je ne pense plus à rien.

Lorsque je rouvre les yeux, je suis allongée sur le dos. J'ai l'impression de me réveiller doucement d'un horrible cauchemar. L'espace d'un instant, j'ai bien voulu y croire, mais le néon agressif du plafond me ramène rapidement à la réalité.

Il n'y a plus de vitre, et personne d'autre dans la pièce ; je rassemble mes forces pour essayer de me relever mais mes bras restent bloqués. De larges bracelets métalliques glacés me retiennent aux poignets. Je suis attachée ; sanglée comme dans mes plus ignobles visions ; et je comprends que ce qu'ils veulent me faire est pire encore que ce que j'ai bien voulu m'imaginer.

Je ne sais pas depuis combien de temps je suis ici maintenant mais cela me semble une éternité. Anta n'est toujours pas là. Je sais qu'ils ne repartiront pas sans moi, je sais qu'ils vont tout faire pour me trouver. Et ils me trouveront. Ils me sauveront.

La poignée de la porte s'abaisse brutalement. Le docteur Martin, ou devrais-je dire le docteur Billung, entre en sifflotant gaiement. J'ai du mal croire que cet infâme personnage puisse être si fier de lui.

— Ça va mieux, tu es calmée ? ironise-t-il.

Je serre la mâchoire pour ne pas lui faire le plaisir de perdre mon sang froid.

— Tu dois te demander ce que tu fais là, attachée comme un vulgaire animal de laboratoire, insiste-t-il. Et bien il se trouve en fait que tu es justement un animal de laboratoire.

Son sourire est de plus en plus inquiétant. Il n'a pas l'air de se soucier de mes réactions, ce qui, bizarrement, m'alarme encore plus. Si ce n'est pas pour me torturer psychologiquement qu'il me retient ici, alors que compte t-il me faire ? Il continue sa mélodie en ouvrant la porte d'une grosse armoire blanche. Il en sort plusieurs rouleaux en tissus foncé qu'il jette sur la table d'en face. Il y installe ensuite tout un tas d'instruments et met l'eau d'un ballon à chauffer. Lorsqu'il se met à dérouler ce qui ressemble à des pochettes noires, j'aperçois plein de petits outils en métal et je sens la terreur monter en moi. Il saisit un des scalpels et avance vers moi.

Ce n'est pas tant la sensation acide du métal qui pénètre la peau de mon avant-bras qui me pétrifie, ni même le petit tuyau qu'il enfonce dans la plaie pour me vider en douceur, mais lui ; son regard, cette lueur de contentement à la vue de mon sang qui coule dans un tube à essai. Ce type est complètement cinglé.

Et il ne s'arrête pas là, il me bâillonne encore avec un bout de ferraille qui me lacère les joues. Je ne sais même pas pourquoi il prend la peine de vouloir me faire taire, je ne fais pas le moindre bruit et quand bien même, il n'y aurait personne pour m'entendre. Je comprends trop vite que ce n'est pas la vraie raison en le voyant sortir son nouveau jouet ; il veut juste éviter que je m'étouffe avec ma langue pendant qu'il utilisera ses instruments de torture.

SACRAS - Tome I : PréludeWhere stories live. Discover now