Tic Tac

Chapitre 13

L'homme est parti il y a plusieurs heures, il a dit qu'avec les médicaments, je devais être très fatiguée et qu'il fallait que je me repose. Il n'a pas tort, mes yeux commençaient à se fermer tous seuls. Et puis j'ai été assez chamboulée avec le souvenir des "éléments perturbants" qui m'était revenu en pleine face, comme un boomerang. J'ai ensuite du m'endormir pendant une durée indéterminée, je sais juste ça a duré longtemps. Je n'ai même pas de fenêtre, je ne peux donc pas me repérer dans le temps grâce au soleil. Il pourrait aussi bien être midi que minuit, je n'en ai aucune idée. J'ai aussi remarqué que j'étais toujours fatiguée. Jamais je n'étais en état de pleine conscience, ça ne m'étais arrivé que quand l'homme était venu me parler. Alors que j'étais en train de sombrer dans le sommeil, j'écarquillais soudain les yeux. Une conclusion effrayante s'imposait à moi. Je ne savais rien sur cet homme. Son nom, ce qu'il avait à voir avec... Avec tout ça. Je ne lui avait même pas demandé. Quelle débile !  On va dire que c'est les médicaments, n'est-ce pas...

Je suis impatiente de le revoir, j'ai tant de questions à lui poser... J'ai l'impression que notre dernier échange a duré quelques secondes seulement ! Pour me distraire, j'essaie de lui inventer un prénom, une famille... Est-ce qu'il a une famille ? Des enfants, une femme ? Ou est-ce que c'est le genre coureur de jupons (Rose, 50 ans) qui a une "copine" officielle mais qui passe son temps à aller voir ailleurs ?  Ca me rappelle mon adolescence, quand j'écrivait des petites histoires, que je ne montrais à personne. C'était bien la seule chose un tant soit peu mystérieuse chez moi à l'époque. J'étais la fille qui n'avais pas de copain, et peu d'amis. Celle qu'on se mettait à apprécier comme par magie quand on avait des DM ou des rédactions. Ou quand on avait un contrôle et que j'étais la seule à connaitre les définitions. Je les répetais autant de fois qu'il y avait d'élèves qui passaient ce contrôle. Mais après ça, plus rien. Je nageais dans un océan de solitude, jusqu'au prochain devoir. Je m'entendais parfois mieux avec les profs qu'avec les élèves. Je trouvais les gens de mon âge sans interêt. Et aussi complétement cons.  Et eux me trouvaient bizarre, trop sérieuse et, aujourd'hui je m'en rends compte, trop mature pour eux. Puis, quand je suis entrée au lycée, j'avais pris comme "bonne résolution de la rentrée" d'essayer de leur ressembler pour enfin me faire des amis. J'étais persuadé que quelque chose ne tournait pas rond chez moi, et je ne voulais pas laisser ce quelque chose gâcher ma super nouvelle vie de lycéenne. En faisant des efforts, j'ai réussi un temps à être normale.

"Chassez le naturel, il revient au galop"

Je suis redevenue moi-même au bout de quelques mois. J'étais juste usée, fatiguée de faire semblant. Je n'ai jamais été aussi heureuse d'être bizarre, car c'est comme ça que j'ai rencontré mon meilleur ami de lycée, Aiden. Ce garçon qui m'avait évitée, méprisée, comme nous méprisions les gens "cool", était devenu indispensable à ma vie au lycée, et vice-versa. Je n'avais plus besoin d'être fausse, pour avoir de faux amis, j'avais Aiden.

"C'est en étant soi-même qu'il nous arrive les meilleurs choses"