Les notes surgissent, flottent, s'évaporent puis se condensent successivement, glissant, percutant, ou traversant tout sur leur passage. C'est comme une chanson."Nos regards se croisent, nos pupilles s'accrochent...
Un do, un ré, une noire, deux croches.
Et des ailes apparaissent et me soulèvent du sol
La mi, la si, ré si bémol
Soudain mon cœur brûle, mon estomac se tord...
Un mi, silence ; Un fa, accord.
Son regard qui m'embrase, son sourire qui m'envole
Mi la, si do, une blanche, fa sol. "Mes mains voltigent sur les touches, suivant le courant invisible de mes pensées qui se font partition. Mélancolie, amour : un cocktail de sons aigus. On saupoudre de tristesse, on recouvre de douleur, on arrose de colère. La mélodie qui en sort est forte, violente. Je plaque l'accord final et ferme les yeux pour savourer les échos qui se répercutent dans l'ensemble de la salle de danse, déserte depuis l'avant-veille.
- C'était magnifique.
- AHHHH...!
J'évite de justesse de tomber de mon tabouret, surprise par la voix qui a brusquement surgi dans mon dos.
- Oh, désolé !, s'excuse James en s'approchant. Je t'ai fais peur.
- Ya..pas de mal.
Puis je me reprends.
- Tu ne dors pas..? Il fuie mon regard et pose les yeux sur les instruments qui trônent sur l'estrade.
- Non. Je prends l'air. Et toi ?
- Disons que... Ça m'arrive de me.. Réveiller en.. Euh.. Pleine nuit pour..Je prend une grande inspiration avant de finalement me contenter de répondre à sa question.
- Non, je ne dors pas.
Un silence gêné s'installe, et là, James fait une chose que je l'ai revu faire des centaines de fois par la suite, une chose que je redoutais au plus profond de mon être tout en l'espérant dans chaque fibre de mon corps. Il s'approche, calmement, tout simplement, et s'installe à côté de moi, son épaule contre la mienne, sur l'étroit tabouret en cuir.
- Apprends-moi, lâche-t-il finalement d'une voix grave, brûlante.
Alors lentement, je positionne ses doigts sur le clavier et lui fais jouer la mélodie que je chantais quand il est entré."Nos regards se croisent, nos pupilles s'accrochent...Et des ailes apparaissent et me soulèvent du sol..."Sa voix s'élève à l'unisson de la mienne, la renforçant, la complétant, s'imbriquant si bien que la mélodie a l'air d'avoir été créée pour nous. La première fois que j'ai appris une mélodie à quelqu'un, c'est lorsque Lir m'a suppliée de lui jouer "La maladie d'amour"de Michel Sardou. Elle était absolument dingue de cette chanson, prétendant que son auteur avait eu la "sagesse ô combien immense" de comprendre que l'amour faisait "plus de malades que de gens heureux selon une étude statistique non truquée par les idéalistes de notre siècle". Du Lir, tout craché, quoi. Lir. Tellement négligée, effacée, mais tellement poétique, au fond...
À présent, le seul son perceptible est celui du vent qui balance doucement les cimes humides des sapins dans une chorégraphie parfaite. Je lève les yeux vers James. Erreur.
- Tu ne m'as pas dit que tu jouais, déclare-t-il en me fixant intensément.
- Tu ne me l'as pas demandé, je réplique du tac-au-tac.
- Tu n'as pas dansé avec moi, à la fête d'ouverture.
- Tu ne me l'as pas demandé.
- Tu n'a pas conscience que j'adore quand tu prends cet air sérieux.
- Tu ne me l'as pas..
Quoi ?Au secours. Au feu. Chaud. Brûler. Cramer. Griller. Grillades. Barbecue. Mais qu'est ce que je raconte ?! Calme. On se CALME. Je décide de sortir le premier mot qui me passe par la tête, à défaut de mieux.
- Ah...
Ety Davis, la Reine de la Réplique. Si, si, en chair et en os.
Au moment précis ou j'arrive à la déduction que seule une foreuse de puits à pétrole pourrait creuser de sorte que je disparaisse assez profondément sous terre, un fracas épouvantable se fait entendre dans la pièce attenante.
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Doués pour survivre
Teen FictionJusqu'à présent, qu'importe, si leurs talents les menaient à leur perte. Et puis, ils se sont rencontrés. Maintenant, plus question de perdre quoique ce soit. Pas même cette partie. Pas même leur vie. #2 Jeunesse