Ety

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Une bouffée d'air matinal s'engouffre sous mon tee-shirt. Je referme la porte du gîte. Il fait plus frais, ce matin. J'imagine Eric parader toute la journée dans son petit ciré couleur cerise. Une vraie coccinelle. Quant à moi, j'enfile une robe verte sous une veste en jean, courbe rapidement mes cils et rejoins Lir au moment où elle pénètre dans le salon, Elsa se trainant derrière elle. C'est la journée de l'Inauguration. J'ai hâte de connaître la liste des activités qui ont été planifiées pour nous. Nous sortons sous le soleil timide et prenons la direction du gîte central, où les panneaux vitrés nous montrent la plupart des tables du réfectoire déjà occupées. Wallis, James et Ilan sont assis à celle se trouvant dans le coin gauche de la salle, et nous les y rejoignons sans tarder.
- Ety, on t'attendait justement pour commencer !, me taquine Ilan, un croissant déjà bien entamé à la main.
- Tiens, donc ! Je croyais que tu ne parlais qu'en langage binaire !, je fais mine de m'étonner.
Lentement, il s'applique à faire jouer les muscles de son torse sous son tee-shirt.
- Je maitrise des langues dont tu ne soupçonnes même pas l'existence, rétorque-t-il avec un clin d'œil suggestif.
Je laisse échapper un soupir exaspéré en passant rapidement le petit-déjeuner en revue. Le pain frais est disposé dans des corbeilles en osier, les carafes de café et de thé sur des plateaux métalliques et les pâtisseries s'empilent sur des petites assiettes carrées.
- Servez-vous, ordonne Wallis. Vous allez en avoir besoin.
Lir s'exécute en se versant une tasse de liquide fumant et j'entreprends d'étaler de la confiture sur une tartine beurrée, quand je sens un regard posé sur moi. Lorsque je lève les yeux, c'est pour découvrir James en train de détourner brusquement les siens. Il porte une veste en cuir noir et un tee-Shirt du même vert que celui de ma robe, ce qui a pour mérite de m'agacer prodigieusement. Parce qu'il m'évite, depuis hier soir. Il me l'a bien fait comprendre ce matin, avec son salut froid et lointain alors qu'il sortait de sa chambre, Ilan sur les talons.
- Bonjour, marmonne Caïn en tirant une chaise pour s'installer à notre table.
Il a les traits tirés, d'immenses cernes violacées et les cheveux semblables à un nid de corneille. Pour couronner le tout, un superbe cocard à l'œil gauche l'oblige à plisser l'autre paupière pour nous discerner. Il me semble pourtant l'avoir vu aller se coucher en même temps que nous. Il a peut-être dû ressortir, finalement, ce qui n'explique pas pourquoi il a l'air de s'être fait piétiner par un camion de déménagement.
- En pleine forme, Caïn, remarque Wallis. Continue comme ça.
Lir mastique une brioche sans conviction, comme si elle avait un goût de plastique. Je devine que l'histoire du type qui l'a effrayé la veille continue de la tourmenter. Il faudra que je lui en touche deux mots.
- BANZAAAAAAÏ !, hurle un grand type baraqué à la table voisine avant de bombarder son voisinage de céréales au chocolat.
Oui, la maturité a ses horaires bien à elle ; Certains sont encore sur liste d'attente.
Aussitôt, le brouhaha du réfectoire se transforme en une véritable cacophonie de bruits de plats qui s'entrechoquent et d'aliments catapultés en tout sens. La bataille de nourriture se propage comme un traînée de poudre, mais les encadrants font rasseoir tout le monde à coup de menaces : Corvées de vaisselles monumentales. Très efficace, puisque le calme relatif reprend sa place en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Ilan s'est  replongé dans la contemplation de morceau de sucre, comme si il en étudiait la structure atomique profonde, quand soudain, un homme d'une cinquantaine d'années fait irruption dans la salle en même temps qu'une forte odeur de tabac. Et là, calme plat. Le silence tombe instantanément.
- C'est Polo Mark, souffle Caïn à mon oreille.
Sa voix pâteuse me parvient comme au travers d'un rideau aquatique.
- Le directeur du Camp...

Doués pour survivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant