Deux ou trois heures du matin. Un cri d'horreur étouffé, SON cri, m'arrache du sommeil sans rêves dans lequel j'avais sombré. Mes paupières se soulèvent brusquement et je me redresse pour tendre l'oreille. A travers les deux portes qui nous séparent, je l'entends haleter tandis qu'une voix lui murmure des paroles apaisantes. Je m'autorise à respirer à nouveau : Lir est avec elle, elle ne risque rien. Bientôt, le calme a de nouveau repris ses droits sur le gîte et les voix des filles se sont définitivement éteintes pour la nuit. Mes yeux s'obstinent malgré tout à rester ouverts et m'empêchent ainsi de profiter des quelques heures de répit avant que Wallis et l'aube viennent nous annoncer le début d'une nouvelle journée éprouvante. Agacé, je me lève, enfile mon jean et mes baskets et parcours la chambre sur la pointe des pieds pour me faufiler à l'extérieur. La porte du gîte coulisse sans bruit et je sors bientôt dans la moiteur de cette tiède nuit d'été. Je jette un coup d'œil autour de moi. Les arbres alentours ne sont plus que d'immenses tâches noires, et la silhouette du gîte central se découpe au milieu du cercle de maisonnettes. Je laisse mes pas me guider à travers la clairière en direction de la forêt, tandis que je me perds dans le réseau de pensées qui sillonnent mon esprit. Mais qu'est ce qui peut la terrifier au point qu'elle le voie en cauchemar toutes les nuits ? J'aurais tellement aimé pouvoir abattre la cloison qui nous séparait pour la prendre dans mes bras, lui chuchoter à l'oreille que je suis la là et que je ne laisserais jamais personne lui faire du mal. Mais après ce grand froid qui s'est installé entre nous depuis la veille, cette idée ne me semble être ni plus ni moins qu'un rêve lointain, improbable, inaccessible. Inconsciemment, j'ai attrapé une branche d'un grand chêne qui arrivait à ma hauteur et entrepris de grimper le long de son tronc.
- De quoi a-t-elle peur ?, me questionné-je sans cesse alors que j'atteins malgré moi le sommet de l'arbre en me propulsant à la force de mes bras.
La question tourbillonne dans ma tête comme un oiseau en furie, colonisant tout mon être, envahissant l'ensemble de mon cerveau, pétrifiant mes muscles tendus par l'effort. Je me laisse finalement glisser jusqu'en bas.
- Belle ascension, remarque une voix dans mon dos.
Un frisson glacial remonte le long de mon échine.
Je me retourne pour faire face à Brunette, qui m'observe tout en effilant son couteau avec un morceau de fer poli. Ses apparitions vampiriques commencent sérieusement à me taper sur le système.
- Qu'est-ce que tu veux ?marmonné-je avec humeur en la regardant tripoter le manche de son arme.
Elle me gratifie d'un sourire condescendant. Tu parles d'un plaisir.
- Peines de cœur ?, demande-t-elle sans même lever les yeux pour me regarder.
Exaspéré, je commence à marcher en contournant les troncs humides qui se dressent devant moi. Malheureusement, des pas feutrés font bientôt échos aux miens, en j'en déduis qu'elle me suit. Coriace, la maso.
- Mais c'est quoi, ton problème ?, je lui crache en faisant brusquement volte face.
Ricanements cyniques.
- A ta place, je m'en ferai plus pour vous, mec. Tu ne sais pas dans quoi tu viens de te fourrer.
Brunette se détourne et disparaît bientôt entre les branches, mais le son de sa voix me parvient toujours, étouffé, lorsqu'elle déclare :
- Je te laisse avec ta princesse. Il faut croire que la fête d'ouverture ne lui a pas suffi. C'est coriace, ces petites bêtes.
Je serré les dents. Complément frappée, la pauvre. Je chasse son visage de mon esprit et décide de laisser mes pas me guider où bon leur semble à travers le Domaine. De toute façon, je ne suis officiellement pas prêt de retrouver le sommeil. Soudain, un bruit étouffée me parvint d'entre les arbres. Je me fige, tend l'oreille. Il me semble avoir distingué ce son familier, ténu, certes, mais que je reconnaîtrais entre milles.
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Doués pour survivre
Teen FictionJusqu'à présent, qu'importe, si leurs talents les menaient à leur perte. Et puis, ils se sont rencontrés. Maintenant, plus question de perdre quoique ce soit. Pas même cette partie. Pas même leur vie. #2 Jeunesse