Chapitre 14 - Au fief Ouest

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Ils ne savaient plus combien de temps s'était écoulé depuis l'explosion. Un quart d'heure, peut-être une demi-heure. Les Miroirs approchaient sans doute, mais ils n'arrivaient pas à bouger, toujours secoués par ce qui venait de se produire. Anthémis n'avait pu s'empêcher d'avoir un haut-le-cœur en voyant le bras d'Igor se vidant de tout son sang, au milieu d'autres débris humain, et avait vomi tout ce qu'elle avait ingurgité le matin.

Elle n'avait rien dit à Edel. Son ouïe refusait toujours de fonctionner correctement, ne lui faisant entendre inlassablement que le même grésillement insupportable. Si elle n'avait rien dit au jeune garçon, elle savait en revanche qu'il finirait par comprendre la situation de lui-même.

La Pythonisse se tenait toujours en arrière, et n'avait pas bougé. Au bout d'un certain temps, Anthémis la vit s'approcher d'eux, et dire quelque chose. Edel releva la tête - qu'il avait caché dans ses bras - et laissa se dévoiler sur ses joues de longues traînées salées. S'il avait pleuré, il devait avoir compris ce qui était arrivé à Igor - s'il n'avait pas déjà remarqué le bras au sol. Personne n'osait aller voir de plus près le vieil homme, craignant ce qui pourrait arriver s'ils s'approchaient trop près de la barrière.

Anthémis n'entendit pas ce que la Pythonisse avait à leur dire, mais elle vit les yeux d'Edel s'agrandir, et il prit la jeune fille par la main avant de les entraîner tous les trois à l'écart de Lunaria, tout en longeant la barrière de loin. Elle comprit que les Miroirs étaient sur le point d'arriver.

La nuit était à présent totalement tombée, ne laissant qu'un soupçon de lumière dans le ciel, à l'horizon, vers le fief Est. Malheureusement, ce n'était pas par là qu'ils allaient. Alors qu'elle savait que le fief Est était composé d'une population bien plus aisée que celle du fief Nord, Anthémis ne savait en revanche rien du fief Ouest ; elle n'avait aucune idée de ce qui l'y attendait - si du moins elle parvenait à s'enfuir.

Ils coururent tous les trois tant qu'ils le purent ; les Miroirs étaient loin derrière, mais ils devaient rester sur leur garde. Anthémis voyait les deux autres se parler entre eux d'un air grave, mais elle n'arrivait pas à entendre. Le grésillement se fit pourtant plus doux, moins présent ; elle parvint, au bout d'un certain moment, à écouter quelques bribes de conversation. Il était question de s'éloigner le plus possible de Lunaria et de passer par le croisement entre les quatre fiefs. La route était encore longue, et ils commençaient déjà à fatiguer.

Le chemin fut vite coupé, lorsqu'Edel aperçu au loin une silhouette noire. Il dit quelque chose, mais Anthémis n'en entendit que quelques mots.

- Ça ... humain ... pas ... je ... Miroir.

Était-ce un humain ou un Miroir ? C'était probablement la question que se posait Edel.

La silhouette se retourna, et dans le noir de la nuit, deux points lumineux se laissèrent apercevoir. Ceux qui pouvaient encore voir comprirent instantanément qu'il s'agissait d'un Miroir, et firent demi-tour pour s'éloigner discrètement.

- On ne ... passer. Comment ... faire ... barrière ... se ... avoir ... les mines ?

Anthémis regarda la haute barrière qui les séparait à la fois de leur liberté et d'une mort assurée. Berbéris n'avait probablement pas pu passer. Il avait dû se faire transformer en Miroir - ou, comme l'avait dit Opale, se faire refléter. Ou alors, il avait explosé, comme Igor. Elle n'était ni triste ni satisfaite à cette idée. Elle ne méprisait pas assez Berbéris pour se réjouir de sa mort.

Quand, soudain, une idée lui vint en tête.

- Les mines ... Une fois qu'elles ont explosé, elles sont inoffensives, non ?

Reflétés T1 - LunariaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant