Chapitre 17 - Gilen Asko

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L'intérieur de la pièce principale était agréablement chauffé ; un feu crépitait dans la cheminée du fond de la salle. Le petit homme semblait avoir emménagé dans cette maison depuis peu, car encore quelques cartons et boîtes de métal traînaient dans le sol du salon. Pour ce qui avait déjà été placé, il s'agissait de riches décorations dorées – s'il ne s'agissait pas réellement d'or – et des fauteuils de velours bordeaux aux accoudoirs taillés dans du bois. Anthémis remarqua un imposant tableau posé au sol contre le mur, comme si son propriétaire ne savait pas comment s'en débarrasser. De toute évidence, il s'agissait d'un portrait de la Famille Dirigeante. Il devait dater d'avant la Grande Révolte, car on y voyait encore Milio Hodei, Nora Cer, ainsi que leur fils et son épouse. Des deux côtés du tableau étaient représentées deux petites filles d'une dizaine d'années à peine, une un peu plus grande que l'autre. Il n'était pas difficile de deviner de qui il s'agissait ; Aenor Hodei et sa sœur, Arraroa. Alors que la plus grande des deux filles, qui n'était autre qu'Aenor, semblait rayonner de par son grand sourire, sa petite sœur se faisait plus discrète. Le regard d'Anthémis se figea longuement sur le visage d'Aenor. Elle ne la connaissait que de nom, elle ne pouvait même pas attester qu'elle la détestait car elle ne connaissait, au final, pas grand-chose d'elle ; mais ce qui était sûr, c'était qu'elle éprouvait une vague de colère en se rappelant le discours qu'elle avait récité à son peuple, lorsque seuls Ibai et une ville du fief Sud – probablement Vremya ou une autre ville de l'autre côté de Palis – avaient été attaqués.

Le petit homme invita les quatre rescapés à s'asseoir sur les fauteuils. Anthémis eut presque mal au cœur à l'idée d'installer ses habits sales sur le velours impeccable des sièges, mais éprouva un grand soulagement dès qu'elle put enfin se reposer. Puisque leur hébergeur semblait d'humeur à les écouter s'expliquer un peu plus clairement – ou à lui-même faire la conversation –, elle s'installa sur le fauteuil le plus proche de lui, histoire de ne rater aucune de ses paroles. Elle avait plusieurs questions à poser, et un homme riche comme lui devait savoir des choses. Berbéris fit comme elle et s'assit sur le siège voisin, ce qui dégoûta pour le moins Anthémis. Edel et Mélopée s'assirent un peu en retrait.

Le petit homme farfouilla quelque chose dans son bar, avant d'en sortir une bouteille d'un liquide incolore – mais quelque chose disait à la jeune fille qu'il ne s'agissait pas d'eau.

- Vous en voulez ? proposa-t-il en levant haut sa bouteille.

Personne ne lui répondit, surpris qu'on leur propose de l'alcool alors que les Varlets du fief Nord le leur interdisaient strictement – même pour soigner les blessures.

- Dommage, souffla-t-il avant de s'en servir un verre entier.

Il reposa la bouteille et s'assit bruyamment sur le seul fauteuil qu'il restait. En prenant son temps, il but une gorgée du liquide avant de poser son verre sur une table basse et de croiser les bras sur son ventre rebondi.

- Donc, vous venez d'où ? finit-il par demander.

- Du fief Nord, répliqua immédiatement Berbéris.

Les yeux de l'homme pétillèrent. Visiblement, à moins que ce ne soit qu'une simple réaction à l'alcool, cette information l'intéressait, et pourtant il ne parut pas surpris.

- Le fief Nord ? Vous avez beaucoup marché alors, devina-t-il. Vous allez pouvoir vous reposer ici cette nuit. Vous avez de la chance, je suis de bonne humeur aujourd'hui, je peux même vous offrir le dîner.

Anthémis n'était pas convaincue par la bonté de l'homme. Elle lui faisait d'autant moins confiance depuis qu'elle avait remarqué qu'il possédait un portrait de la Famille Dirigeante. Cela dit, ce dernier n'était pas accroché, et témoignait d'un certain désintérêt, mais elle n'était tout de même pas confiante.

Reflétés T1 - LunariaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant