Edel ouvrit une petite porte grinçante, qui ne tarda pas à éveiller la curiosité de deux hommes attablés atour d'un meuble de bois ; jusqu'alors, ils discutaient calmement entre eux tout en mastiquant avec peine ce qui reposait dans leur assiette, au goût plus proche du plastique qu'à de la vraie viande. Ils virent leur jeune compagnon entrer dans la cuisine, suivi de la fille qu'ils avaient retrouvée inconsciente en plein cœur de l'ancienne Capitale, il y avait deux jours de cela. Elle pénétra dans la pièce silencieusement. Un bandeau lui cachait l'œil gauche.
- Bonjour, dit simplement le garçon.
Il s'assit sur un tabouret dans le calme le plus complet, tandis que les deux hommes s'étaient tus et regardaient la jeune blessée qui attendait toujours au cadre de la porte. Edel le remarqua et l'incita à les rejoindre à table. Toujours sur ses gardes, la fille s'approcha et se posa sur un autre tabouret, visiblement non craintive mais simplement méfiante vis-à-vis des deux inconnus qui lui faisaient face.
- Donc elle s'est réveillée ? remarqua le plus vieux des deux hommes, s'adressant à Edel comme si l'intéressée n'était pas là.
- Oui.
Le vieil homme prit un air grave, mais continua sur le même ton :
- D'où vient-elle ?
- Je ne sais pas, elle semble muette. Ou alors elle refuse de parler, je ne sais pas trop.
- Muette ?
- Oui. Attends.
Edel se tourna vers la blessée et lui présenta les deux hommes. Ainsi, elle apprit que le plus âgé se nommait Igor et était le père d'Edel, tandis que l'homme d'une quarantaine d'années s'appelait Berbéris et qu'ils se connaissaient depuis un bon moment déjà. « Neuf ans, pour être plus précis », ajouta-t-il. Le vieil homme semblait pourtant bien trop vieux pour être le père d'un adolescent comme Edel, songea Anthémis.
De l'autre côté de la table, le dit Berbéris regardait l'étrangère avec autant de méfiance qu'elle en avait elle-même dans les yeux, bien qu'il n'eût rien à craindre d'une petite fille comme elle d'une quinzaine d'années seulement.
- Pourquoi porte-t-elle un cache-œil ? demanda Igor.
- Elle a dû se prendre un coup à l'œil, il était injecté de sang et semblait la faire souffrir. J'ai dû désinfecter comme j'ai pu, bien que ce soit une région fragile. On est en manque de pansements, il faudra penser à en racheter au marché d'ailleurs. Donc je lui ai mis un cache-œil, c'est ce que j'avais de plus efficace sous la main. J'espère que ça suffira, déclara Edel sans hésiter.
Il n'avait pas parut bien malin à Anthémis les premières minutes, mais elle devait avouer qu'il savait mentir sans sourciller.
- Et elle part quand ?
- Quand elle sera complètement rétablie et qu'elle saura où aller. Pour l'instant elle semble n'avoir nulle part où s'abriter, je crois qu'elle vivait à Ibai et qu'elle s'est enfuie suite à l'attaque, mais je n'en suis pas certain.
Cette fois, Berbéris cogna du point contre la table violemment, visiblement très contrarié. Il adressa un regard noir à la jeune fille mais fit comme les deux autres et parla comme si elle n'était pas là :
- Ça suffit ! Une inconnue muette, qui débarque sûrement d'Ibai sans qu'on ne sache ce qu'il s'est réellement passé là-bas ... C'est vrai ça, on n'en sait rien ! Elle pourrait très bien être contaminée, contagieuse, ou complètement détraquée !
- Berbéris, essaya de le calmer Edel, tu vois bien qu'elle se comporte bien, on n'a rien à craindre ...
- Toujours est-il que ce qui s'est passé ce soir-là à Ibai reste un grand mystère, qu'on ne sait pas si cette fille peut vraiment être de confiance, ni même si elle compte nous voler ou ...
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Reflétés T1 - Lunaria
FantasiPeu après l'attaque d'Ibai en 2368, la nouvelle couronnée d'Hodei lance un appel aux habitants de l'île, et prévient de l'arrivée de ce qu'elle appelle les Miroirs. La jeune Anthémis Vanderguel est une survivante ; elle a vu l'attaque de ses propres...