Chapitre VI

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« Tu veux faire une petite visite de l'appartement ? propose soudainement Jimin. »

Sa voix résonne dans toute la pièce et je hausse les sourcils, surprise. L'ambiance était retombée et il a bien fait de changer de sujet, je commençais à me sentir mal à l'aise.

« Oui, je veux bien, je lance, d'une voix un peu trop enthousiaste qui sonne faux. »

Mais le jeune homme ne semble pas s'en apercevoir et se relève dans un petit bond énergétique. Je garde le plaid bien chaud sur les épaules, et m'engage dans le couloir à sa suite.

C'est un appartement vraiment très accueillant et dynamique, que je présume à l'image de la personnalité de Jimin : les murs sont partout colorés et décorés de cadres et de tableaux, il y a quelques plantes qui apportent des petites touches vivantes, et j'apprécie particulièrement la clarté que me renvoient les espaces.

Jimin me montre une petite cuisine moderne équipée avec l'essentiel, où je pensais trouver de la vaisselle sale dans l'évier, mais rien. Tout est bien rangé et propre. C'est un autre bon point.

On passe dans la salle de bain, qui sent bon la mousse à raser et le gel douche.

Je respire une dernière fois ces odeurs enivrantes, puis Jimin termine rapidement la visite par une unique chambre, avec un lit double, un bureau et une armoire massive en bois.

« C'est la chambre de mon père, m'informe-t-il. Moi je dors sur le canapé. »

Je hoche la tête, puis il referme le battant bleu vif.

« Tu veux qu'on sorte pour manger ce soir ? propose le garçon. La pizzeria du coin est trop top. Je peux inviter des potes, on s'amusera bien ! »

J'avale ma salive de travers. Moi, sortir avec des gens ? Et des inconnus en plus ! Je suis embarrassée.

Mais comme Jimin a l'air si heureux à l'idée de partager un moment avec moi et des amis, je ne peux m'empêcher de m'exclamer, les yeux brillants :

« Quelle bonne idée ! C'est gentil de ta part. »

Il me lance un sourire complice et je rougis de nouveau.

Comment peut-on se sentir aussi proche et aussi bien avec des personnes que l'on connaît à peine ? Jimin est si prévenant et sociable...

Mon humeur va en crescendo, je ne me suis jamais sentie aussi bien depuis des années ! Depuis... l'accident de mes parents.

« Je les préviens, continue le jeune homme, en pianotant à toute vitesse sur son téléphone. »

Je l'observe, penché, les cheveux tombant dans les yeux, et sa bouche concentrée forme la même moue adorable que tout à l'heure. Trop mignon.

Après de nombreuses vibrations, Jimin relève la tête et me pousse doucement :

« Allez, Leslie, habille-toi, on y va ! s'exclame-t-il, joyeux. »

Ses mains glissent sur mes bras et je frissonne.

J'abandonne le plaid blanc sur le canapé défoncé et le rejoins dans l'entrée, où on lassent nos chaussures, collés par le manque d'espace. Je jette mon sac à dos sur mes épaules et regarde encore une fois le bel appartement.

Jimin referme à triple tours la porte, puis s'élance dans les escaliers à toute vitesse et je le suis en sautillant. On dévale les marches en riant, et c'est fou comme parfois on peut s'amuser avec presque rien.

Quand on quitte l'immeuble, je n'ai pas peur. Je n'ai pas peur face à la rue sinistre et au ciel noir et nuageux. Je n'ai pas peur du calme étrange ambiant. Parce que je suis en compagnie de Jimin, et que je me sens gaie. Il remet de la musique sur son portable, et monte le volume à fond.

« Arrête, tu vas déranger les gens, dis-je, en lui lançant une bourrade. »

J'ai osé le toucher ! Le geste est parti tout seul. Le jeune garçon se retourne vers moi, un petit sourire en coin. Oh, lui aussi s'en est rendu compte...

Je suis contente qu'il fasse aussi sombre. Il ne remarque pas à quel point mon teint a viré au pourpre.

« Mais non, il n'y a personne ici ! réplique Jimin, en riant. Pas vrai que c'est désert ! crie-t-il, les mains en coupe. Et puis on s'en fout ! »

Je m'esclaffe. Quel culot ! Mais j'aime ça.

On continue à déambuler dans les rues humides et en mauvais état, et j'agite la tête en tout sens au rythme des chansons, tandis que Jimin lève les bras en l'air et tournoie lentement, comme s'il exécutait des pas de danse.

On débouche sur une ruelle éclairée par quelques lampadaires vert bouteille, ce qui change de la route jusque-là très obscure. Les devantures semblent vivantes, ici, et ne sont pas à l'état d'abandon. Je jette un œil à mon montre : il est huit heures du soir. Quelques boutiques sont encore ouvertes, et j'aperçois bientôt la fameuse pizzeria.

La façade est colorée dans des teintes rouge foncé et vertes et les écritures noires à boucles me plaisent bien. C'est alors qu'une forte musique m'assaille quand on s'apprête à rentrer. C'est une boîte de nuit ici ou quoi ?

En fait, c'est un peu tout. Quand je passe le palier de la porte, je repère un long bar de bois verni, où sont accoudées plusieurs personnes, riant et partageant des petits verres d'alcool. Ce sont essentiellement des jeunes. Il y a quelques jeux vintage sur le côté, ainsi qu'un baby-foot où s'amusent d'autres clients en criant et chantant à la fois. Il y a aussi un billard, où s'embrasse, appuyé contre les larges pieds en bois clair, un couple. Je détourne les yeux, gênée.

L'ambiance est plutôt cool, avec les lumières tamisées roses et bleutées, et la superbe arche de pierres centrale. Quelques serveurs jouent des coudes entre la marrée humaine. C'est bourré à craquer ici, comment va-t-on retrouver les autres ?

Mais Jimin ne paraît pas s'en préoccuper et, après avoir pris ma main, il s'enfonce résolument dans la foule comme un vieil habitué, en saluant par-ci par-là des gens que je n'ai pas le temps de voir.

Et, étrangement, je me sens tout excitée et impatiente.



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