Chapitre XIII

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Jimin claque la porte et la boucle à triple tours avant de dévaler les escaliers à la hâte, moi sur les talons. Il est rapide et je manque de me prendre les pieds dans le paillasson desséché de l'entrée.

« Comment on fait pour le bus ? crié-je, couvrant le bruit de nos pas crissant sur les gravillons.

-On va passer chez J-Hope, répond-t-il.

-J-qui ? fais-je, larguée.

-Un pote de ma bande de danseurs ! explique le jeune homme, d'une voix enjouée. Son vrai nom, c'est Jung, mais son nom de scène J-Hope. Il est en terminale et a déjà une voiture. »

 En effet, ce J-Hope a l'air d'être notre seul espoir. Jimin n'est même pas essoufflé quand il reprend :

« Je sais qu'il ne commence qu'à 9 h aujourd'hui, il sera chez lui. »

Mais le jeune homme ralentit quand même pour me prendre la main. Il m'entraîne à son allure et j'ai l'impression de voler dans les airs, tandis que mon sac me bat les reins.

Il y a un bute de béton juste devant nous, et Jimin saute au-dessus d'un petit bond gracieux, puis je l'imite, atterrissant lourdement de l'autre côté. C'est un chat et moi je me trouve pareille à un hippopotame.

On déboule dans les ruelles illuminées du petit matin, et tout à coup, je trouve ce quartier bien moins effrayant et abandonné qu'hier. Les habitations se sont elles aussi réveillées, et je vois des personnes qui secouent du linge aux fenêtres et j'entends des éclats de rire derrière ces ouvertures sur le monde. Des voix fluettes et haut perchées : des enfants. Sur la route, les nids-de-poule accueillent des flaques d'eau scintillante, ondulant à notre passage, comme si elle voulait sortir nous accompagner.

Un homme âgé, un journal sous le bras, nous salut, et Jimin lui lance :

« Vous allez bien, m'sieur Labranche ?

-Tout roule. Encore en retard, petit ! répond le vieux. »

Ils se connaissent tous ici, ou quoi ? Je suis étonnée mais déjà on est passés à la ruelle suivante. C'est alors que le garçon fait halte devant un immeuble orangé, aux balcons étroits.

« J-Hope ! appelle-t-il, les mains en porte-voix. »

Tout d'abord, il ne se passe rien. Je mets les poings sur mes hanches, reprenant mon souffle, et le ciel bleu m'éblouit quand je lève la tête. Ce sera une belle journée. Puis une porte-fenêtre blanche aux bords de bois s'ouvre dans un grincement, où un garçon en veste rouge et blanche passe la tête. Je remarque que ses cheveux sont poudrés de rose, dans une teinte un peu plus claire que Jimin. Je ne l'ai jamais vu.

« Hey man, j'ai un problème, continue le jeune homme.

-Salut Jimin, bonjour Leslie ! s'exclame l'autre garçon. »

Ça commence à devenir flippant de constater que tous ces gars savent déjà qui je suis. Mais bon, ce sont les amis de Jimin, il doit leur avoir parlé de moi une fois. Enfin, plusieurs, d'après Jin hier.

Mes souvenirs se remettent petit à petit en place, et je sens mes joues s'empourprer.

« T'as besoin d'un chauffeur, devine J-Hope. J'arrive ! »

Il disparaît en coup de vent. Ça, c'est la vraie amitié. Quelqu'un qui est toujours là pour toi, qui ne se défile pas au premier pépin.

Je me retourne vers Jimin, qui fixe encore le balcon, les yeux brillants. C'est alors qu'une petite fille aux longues tresses arrive, toute guillerette sur sa trottinette jaune. On l'observe, amusés, quand la roue avant se coince dans un déchet. La fillette chute, et je reste pétrifiée sur place, alors que Jimin se jette pour l'aider. Il la relève tandis qu'elle fond en larmes, puis redresse sa trottinette.

DERRIERE LES OMBRESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant