Chapitre II

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Mais... attendez une minute... ce n'est pas mon quartier ! Je suis prise de panique. D'habitude, il y a un petit bar à la devanture vintage, sur ma gauche. Où est-il ? Et cette ruelle, là, me paraissait beaucoup moins étroite dans mon souvenir.

Quelle gourde ! Je fais si peu attention aux choses qui m'entourent que je me suis trompée de bus ! Oh non ! Ce n'est vraiment pas le moment de se perdre, le soir tombant, dans un quartier inconnu, et de plus... totalement flippant !

Que faire, que faire... il n'y a pas d'arrêt de bus, ici. Le chauffeur nous a déposés au milieu de nulle part.

Je vais appeler Sana, ma seule amie. Enfin, c'est plus une connaissance... elle traîne souvent avec moi et elle s'est prise pour ma copine alors qu'on ne se connaissaient même pas, au début. Mais comme j'étais seule, je suis restée avec elle. Elle est assez sympathique, au final.

Je sors mon téléphone à l'écran fissuré, les mains tremblantes, et lorsque je compose le numéro qui pourrait me sauver, il tombe en rade, l'écran noir.

Plus de batterie ! Je ricane. C'est la pire des choses qui pouvait m'arriver.

Je ne peux même pas regarder sur Google Map où je me situe... il n'y a pas de pancarte dans cette banlieue.

Je jette un coup d'oeil à ma montre : six heures du soir. Génial. Je suis foutue.

Je vais devoir trouver un autre arrêt de bus, ou un hôtel... heureusement, j'ai un peu d'argent.

Je me mets à avancer à grands pas sans vraiment savoir où je vais. Il fait un froid de canard entre ces murs obscurs, et les façades délavées ne m'inspirent pas confiance.

Je suis de nature paranoïaque et scrupuleuse. J'ai déjà la désagréable impression qu'on me suit...

Cela fait plusieurs semaines qu'il me semble que je suis épiée. Dans les couloirs aux couleurs criardes du lycées, à ma table au réfectoire animé, sur mon banc solitaire au bois gravé, je sens toujours le regard de quelqu'un sur ma nuque.

Les ombres jouent avec mes nerfs, dansant sur les trottoirs bossus de la ruelle déserte.

Je ne suis pas à l'aise, angoissée, effrayée même.

La nuit est bientôt tombée, mais j'y vois encore clair.

Un bruissement soudain sur le bitume me fait tourner la tête. Mes yeux furètent dans tous les coins, mais je n'y décèle aucune présence.

Je reprends ma route, serrant mon sac à dos usé contre moi.

C'est alors que je le vois, en tournant au coin de la petite rue.

Une cour bétonnée, éclairée par la faible lumière d'un lampadaire tagué, surgit devant moi, chassant les ombres.

Un jeune homme est assis sur des escaliers en fer rouillé. Dès que je me rends compte de cette présence humaine, je me fige, mais alors que j'allais reculer, mes yeux croisent les siens.

Il n'est pas seul. Un autre adolescent est en train de lui parler, avachi, tout en avalant à grosses goulées le contenu d'une boisson suspecte.

Mais le jeune homme semble l'écouter à moitié. Parce qu'il me regarde.

Et ce garçon, je le connais.

C'est un lycéen de ma classe. Il s'appelle Jimin. Il m'est déjà arrivé de l'observer en rêvassant, mais c'est plutôt le genre de gars populaire et fêtard que j'évite.

Je l'ai reconnu à sa chevelure rose et en bataille. C'est un choix peu commun que j'admire. Il porte un pull oversize noir aux écritures colorées et un jean urbain troué. J'aime beaucoup son style.

J'essaye de la jouer profil bas et me dirige vers le côté opposé en marchant le plus discrètement possible, en silence.

Mais je suis déjà repérée.

« Eh toi ! s'écrie une voix cassée. »

Ce n'est pas le son grave que je connais.

Je ne me retourne pas et trace, mon pouls accélérant.

Un cri s'échappe de ma gorge serrée quand une main froide me saisit le bras.




DERRIERE LES OMBRESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant