Troisième Nuit

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Elle ne dormait que très peu la nuit, très sujette à d'innombrables insomnies. Alors, plutôt que de réfléchir, de ruminer ses putains de pensées, elle préférait tout oublier le temps d'un instant dans son endroit. Même place, même position, même rituel, même destruction. Chaque geste semblait mécanique mais ils étaient apaisant. C'était son rituel et elle en avait besoin, sans doute autant que de cette cigarette qui rougeoyait entre ses doigts. La dispute de tout à l'heure ne passait pas, elle avait besoin de bien plus qu'une cigarette. Elle en alluma une seconde pour faire taire ses pensées néfastes. La musique ne l'apaisait pas ce soir. La clope, pas vraiment non plus. Mais, cela restait mieux que de ruminer là-haut entourée, étouffée, ou d'envenimer les choses avec les autres. Autant être là. Elle tira une taffe, une autre, encore une. Encore. Elle avait besoin d'une putain de dose de nicotine. Elle s'apprêtait à en allumer une autre, dernière qu'elle pouvait se permettre aujourd'hui, mais un mouvement attira son attention. Elle arracha ses écouteurs de peur d'être découverte. C'était le chien. Elle respirait bien mieux d'un coup. Ce n'était pas le jeune chien tout excité qui s'était échappé chez les voisins ou le vieux chien calme que l'on ne voyait jamais, c'était le grand chien-loup au regard glacial qui marquait les esprits. Il s'est posé à côté d'elle. Elle le caressait distraitement, mais dès qu'il sentit l'odeur du tabac, il s'en alla rapidement.

Un peu plus loin de là, l'un des voisins avait observé la scène se jouer. Ce chien l'avait toujours intrigué, toujours là à surplomber leur jardin de ses yeux froids. Il passait des heures à se prélasser dans ce coin d'ombre, à l'abri de ce petit chien embêtant. Jamais il n'aboyait sur leurs chiens, jamais il ne bougeait à une quelconque provocation, il restait là imperturbable. Il était sublime mais d'un coup de crocs, il pourrait en finir. Et la telle décontraction de la jeune fille était quelque peu impressionnante. La fumée s'évaporait autour d'elle comme un cocon l'enveloppant. Elle ne bougeait pas, seules ses respirations rappelaient qu'elle était bel et bien vivante, et l'expiration blanchâtre qui s'échappait de ses lèvres. Sa clope se consuma bien trop vite et elle s'échappa entre les haies qui camouflait son jardin.

Ses gestes trahissaient son habitude. Habitude nocturne qui deviendra la leur.

Exhalaison CimentéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant