Maman

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Élie ne voulait pas d'enfants.

Elle n'avait aucun désir de voir une jeune fille qui avait ses yeux et ses fossettes rire et lui donner la main. Elle n'avait aucune envie de cuisiner pour cet enfant, de lui apprendre à marcher. Elle ne voulait pas voir une partie de sa propre chaire grandir et surtout, par dessus tout, elle abhorrait la pensée d'être appellé Maman. 

Elle se faisait appeler de tout les noms d'ailleurs pour ses pensées dîtes "hypocrites" et "sans coeurs" mais elle n'en avait rien à foutre. Et autant qu'elle avait d'amies qui chérissait la pensée d'un ventre grandissant, portant une vie, elle en avait d'autres qui, tout comme elle, ne supportait pas l'idée de créatures vivantes qui incarnait une partie de leur ADN.

Un cauchemar.
Pire, un cauchemar sur pied.
Qui braille, qui mange, qui est humain.
Un cauchemar a éduqué

C'est se torturer, s'affliger sa propre misère. 

Élie avait, tout de même, un secret. Un secret qu'elle haissait peut-être même plus que la pensée d'avoir un enfant. Un secret qui la mangeait vivante lorsqu'elle parlait du sujet avec ses copines. Lorsque ses amies énonçaient les raisons pourquoi elles ne voulaient pas d'enfants et que, étrangement, elle n'avait jamais pensé à toutes ses raisons. 

"Et toi Élie, pourquoi ne veux-tu pas devenir mère?"

Il y avait tellement de raisons....

Violet disait qu'elle était trop distraite pour en prendre soin, Christine disait qu'elle n'avait pas besoin d'enfant pour se sentir accomplie, pour avoir une famille.
Zavia disait que c'était trop gros du côté financier.
Et ça ne finissait pas....
Besoin de temps pour moi, trop de stress, le monde est trop cruel pour avoir un enfant, juste vraiment pas envie....

Lorsque les filles se retournaient pour regarder Élie dans les yeux, les mots se bloquaient dans sa gorge et elle ignoraient pourquoi. Est-ce que c'était à cause de se secret? Ce secret qu'était ses pensées.  

Son cerveau s'embrouillait mais ce n'était pas les mêmes raisons qui coulaient dans son esprit.

Cette envie de perfection qui l'habitait, que tout soit bien. Elle ne supportait pas ce qui était mal et elle savait, elle savait qu'aucune mère n'était parfaite alors comment, elle, Élie, dommagerait cet enfant? Combien lui ferait-elle mal? Est-ce qu'elle lui causerait des séquelles? Cet enfant, pleurerait-il la nuit à cause de quelque chose qu'elle ait fait?
Et les attentes étaient tellement grandes...parce que c'était l'enfant d'Élie. Alors il devait être tellement, tellement merveilleux. Lui affliger un poid sur les épaules avant même qu'il soit conçue? Si elle faisait ça...quel sorte de mère était-elle?

Et puis de toute façon, avec qui bien partager sa vie....
Il n'y avait personne qu'il lui donnait cette envie, cette irrésistible envie, de vouloir fonder une famille.
Alors à quoi bon?

"Et toi Élie, pourquoi ne pas avoir d'enfants?"

Parce que j'ai peur de moi-même? Parce qu'il n'y a personne qui m'aime assez? Parce que vu que je brise tout ce que je touches, je briserais cette famille? Je ne ferais que du mal à ses êtres-là qui ont espoir en moi?

Et quand Élie sortait la réponse, elle se sentait hypocrite de mentir à ses amies qui, elles, semblaient convaincues de leurs arguments. Qui elles, parlaient sans mensonge contrairement à elle. 

Un sourire, puis elle répondait à son tour: "Pour les mêmes raisons que vous."

À l'intérieur, elle grimaçait.

C'était faux et elle le savait.

Elle ne voulait pas d'enfant parce qu'elle avait peur de merder. Elle se sentait lâche. Tellement lâche. 

Et puis c'est parti en couille quand elle a rencontré Kale. 

Putain...
Kale. 

Après un an, ils ont fini par se mettre en couple. Deux ans plus tard, il partageait un appartement. À ce moment là, elle avait 23 ans. 

Une de ses amies avaient déjà deux enfants. Marie venait d'avoir un nouveau-né. Trois semaines. 

Kale et elle s'étaient rendu chez elle pour lui dire félicitations. Kale n'avait pas abordé le sujet sachant que c'était délicat mais lorsqu'il avait porté l'enfant de Marie dans ses mains elle avait su, elle savait que c'était ce qu'il désirait. Ce qu'il voulait. Qu'il mourrait d'envie d'avoir un enfant. Une partie de lui. 

Et alors toutes les insécurités d'Élie ont ressurgi.

Ce soir là, elle s'est fâchée contre lui pour rien. Il a essayé de la calmer, il lui a pris les mains et il l'a embrassé. Il lui a murmuré qu'il l'aimait. Ses yeux doux dans les siens, cette voix de miel, ce regard apaisant. Cette sensation d'être à la maison. 

Lorsqu'il a essayé de la prendre dans ses bras, elle a senti les larmes ressurgir. Ne voulant pas qu'il s'en aperçoive, elle l'a repoussé et a crié. Il n'a pas crié en retour. Il savait. Il savait.

Putain, elle le détestait parce qu'il savait. Elle le détestait et l'adorait. 

Elle est parti se réfugier dans le salon là où elle a pleuré. Elle a pleuré et elle ne s'est pas arrêté. Elle a pleuré jusqu'à s'endormir. Lorsque ses paupières étaient trop lourdes et qu'elle était dans le monde du rêve, Kale est venu mettre une couverture au dessus de ses épaules et lui a embrassé le front. Il est resté là et il l'a regardé pendant presque une heure. Il l'aimait tellement.

Élie a rêvé.
Elle a rêvé à cet enfant. Il avait les yeux vert forêt de Kyle et sa peau basanée. Il avait les boucles d'Élie et son petit nez. Et il l'appelait Maman. Il l'appelait Maman sans amour. Kale partait. L'enfant pleurait. Elle avait tout détruit.

Élie s'est réveillée en hurlant. 

Kale, juste à côté, s'est réveillé aussitôt (il s'était endormi dans le salon par terre, sans le réaliser). Il la pris dans ses bras et lui a chanté jusqu'à ce qu'elle se rendorme. Elle ne méritait pas Kale. Il était trop doux pour ce monde.

Lorsqu'elle s'est réveillé le lendemain, elle a préparé le déjeuner. Lorsqu'il est arrivé dans la cuisine, il avait de grosse cernes. Elle s'est rapproché de lui et a fourré son nez dans son torse. Il a entouré ses bras autour elle. Il lui a murmuré que tout allait bien, qu'il était là. Qu'il n'allait pas partir. 

Elle ne lui avait même pas parlé du cauchemar. 
Il savait.

Kale savait toujours. 

Et lorsqu'ils se sont assis pour manger, elle lui a tout déballé. Elle lui a dit ce qu'il la tracassait. Il l'a pris dans ses bras et il l'a rassuré. Kale avait le don de trouver les mots pour lui faire voir l'autre côté de la situation. Pour détruire tout ce qu'elle pensait d'elle de négatif. Il avait cette agilité de lui faire voir son côté des choses. Il était capable de lui donner ses yeux. Et elle voyait alors le monde de la façon de Kale.
Et c'était magnifique.



Deux ans plus tard, Marie est venu la voir.

Kale a ouvert la porte de leur nouvelle maison et elle s'est précipitée dans le salon.

Assis sur le sofa était Élie qui tenait dans ses bras un enfant avec les yeux vert forêt de Kyle et son petit nez qui l'appelait "Maman". 


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⏰ Dernière mise à jour : Sep 18, 2018 ⏰

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