Destinés

43 - Contre-pouvoir et demi-vérité

Naomi se releva, et secoua la neige qui collait à ses genoux. Elle se redressa bien droite et expira profondément, elle se sentait bien, incroyablement bien, malgré le froid mordant elle retira sa toque de fourrure et secoua la tête laissant ses cheveux flotter librement dans la nuit. Elle se sentait libérée, à double titre d'ailleurs, d'un coté elle avait réussi une étape cruciale de son plan en négociant avec Damien et d'autre part elle avait... expulsé, évacué ce trop plein d'énergie qui la consumait depuis des mois. Pour la première fois, il lui semblait avoir contenté cette autre en elle, ce double glacé d'elle-même. D'ailleurs l'incroyable agacement qu'elle avait ressenti toute la journée c'était évanoui, et c'était bon, de se sentir enfin, à nouveau complètement soi-même. Elle remit sa toque sur sa tête, récupéra sa besace qu'elle avait laissé dans la neige puis avec plaisir et délice elle avança, dans la neige qui tombait toujours avec violence, jusqu'à chez elle. Tout lui paressait tellement merveilleux, le froid de la nuit, les superbes formes des conifères du lotissement déformés par la neige accumulé, les barrières surmontés de quelques centimètres d'un délicat manteau blanc que le vent venait caresser. Plus le temps passait et plus elle aimait l'hiver. Elle passa à coté d'un lampadaire dont l'élégante décoration de Noël était également recouverte de neige, Naomi souriait, elle était presque euphorique. Tout ce déroulait parfaitement, elle songea à son plan et se reconcentra aussitôt, mais la concentration ne pouvait entamer son moral au plus haut. Dès demain, il lui faudrait entamer la phase deux de son plan, divide et impera, soit diviser pour mieux régner. Les Élémentaires l'avaient isolé mais elle n'était pas sans défense pour autant, depuis que le lycée dans son ensemble était en guerre ouverte contre elle, ils avaient baissé la garde et Naomi allait frapper au moment où ils ne s'y attendraient le moins. Un sourire diabolique et calculateur fit son apparition sur les lèvres de Naomi, les Élémentaires étaient unis mais plus pour très longtemps, elle allait les diviser, et monter l'opinion publique contre eux comme ils l'avaient fait avec elle. Elle allait les pousser à s'entre-déchirer... Et plus encore. Naomi se raisonna, elle ne devait pas planifier trop loin, son plan devait être parfait, adaptable et elle devait être discrète et crédible. Elle savait que Damien ne parlerai pas de leur accord, il avait bien trop à perdre, personne ne pourrait la soupçonner. Elle avancerait dans l'ombre, à tâtons, jusqu'à ce qu'elle disparaisse complètement. Elle allait y arriver, elle ne souffrirait plus pour rien.

Elle arrivait devant chez elle, elle distinguait la silhouette de sa mère dans la cuisine, elle franchit le portail et s'appliqua à effacer le sourire machiavélique de ses lèvres. Elle ouvrit la porte et lança un joyeux coucou je suis rentrée, Youlia ouvrit le rideau qui séparait l'entrée du reste de la maison.

                - Coucou ma chérie, tu as l'air en forme, tu as passé une bonne journée ? Demanda-t'elle visiblement ravie de voir sa fille aussi rayonnante.

                 - Oui, pas mal et toi ? Répondit Naomi enchantée de voir sa mère si heureuse. Elle n'avait pas voulu lui parler de ses capacités par peur de sa réaction. Elle avait longtemps regretté, hésité surtout au moment de la trahison de Lanna, mais elle craignait de voir sa mère la rejetter comme le faisaient les autres. Elle s'en était voulue pendant sa descente aux enfers de lui faire autant de soucis mais elle rêvait la nuit de sa mère qui la repoussait quand elle apprenait son secret, des milles et unes raisons qu'elle pouvait avoir de la rejeter. Alors elle s'était tue, malgré la peine, la culpabilité, et l'éveil récent de sa sœur de glace la motivait davantage à la maintenir dans l'ignorance.

                   - Oui, j'ai passé une bonne journée, j'ai beaucoup travaillé. Je fais chauffer le thé?

                   - Volontiers ! Il faudra que tu me montre les chapeaux que tu as fabriqué, j'espère que tu as fais des belles choses, la taquina sa fille.