57 - Vade retro Satanas

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Un sourire démoniaque déforma le visage de Lanna, toute la souffrance, la colère, l'injustice avaient disparu, seul restait l'envie, la soif. La soif de vengeance, de reconnaissance, mais aussi un sombre désir de sang, de destruction, de massacre. Elle sentait toute la puissance de l'énergie qui l'avait réveillée ondoyer autour d'elle pesant sur son entourage. Ils n'avaient pas encore compris, ils avaient pas encore vu mais elle sentait d'ors et déjà leur peur, ils puaient la peur, l'angoisse et plus que tout ce délicat fumet excita la bête en elle. Elle se pencha sur la table avant de braquer son visage toujours fendu d'un sourire terrible en direction de son père et de toute la tablée qui la contemplaient mi-inquiet pour certain, mi-compatissant pour d'autre mais qui partageaient cet air emplit de curiosité malsaine. Ils l'avaient toujours prise pour un animal domestique, une jolie plante verte docile. Rien que pour cela elle avait envie de les massacrer. Ses profond yeux vert citron se réduisirent à deux fentes où pulsait des nuances vert sapin rendant son regard presque noir. Par où commencer ? Avec lequel de ces pauvres idiots allait elle commencer à s'amuser ? Et par quelle torture ? Devait elle d'abord leur arracher le coeur ? Leur ouvrir les boyaux pour voir ce qu'ils avaient dans le ventre ? Les démembrer lentement pour savourer leurs hurlements de douleur et de terreur ? Ou débuter en dégustant le délicieux nectar qu'elle entendait pulser dans leur veines ? La myriade de possibilités qui s'offraient à elle lui donnait presque le vertige et elle en tremblait d'excitation.

             - Tu... tu te montres enfin... Satan ! Clama Léopold d'une voix qu'il voulait forte et courageuse.

Lanna braqua ses prunelles vertes foncées sur lui. Bien... elle avait une première cible. Elle empoigna fermement la table avant de se jeter sur lui. Dans le même temps toute la poussière posée sur les bibelots de la pièce s'éleva pour former des fils grisâtres qui enserrèrent la gorge de Léopold. Celui-ci avait basculé de sa chaise lorsque Lanna avait bondit sur la table et il se débattait à présent avec la corde de poussière qui l'étouffait. Sa faiblesse, son impuissance était manifeste, évidente et terriblement jouissive. Lanna savourait ce sentiment à l'extreme, voir sa misérable proie se débattre face à l'inéluctable, gesticuler, écouter sa respiration sifflante s'accélérer, se faire de plus en plus désespérée, faible. Mais elle en voulait plus, beaucoup plus, elle voulait du sang, entendre ses cris d'agonies... Un grincement d'une chaise sur le vieux parquet sombre interrompit ses macabres planifications. L'autre homme s'était levé, il était visiblement terrifié et semblait vouloir fuir. A l'instant où elle posa les yeux sur lui il fut parcouru de tremblements incontrôlables pourtant il s'exclama d'une voix claire.

                  - Vade retro Satanas ! Vade retro Satanas !

Lanna sourit, encore plus, ses yeux s'agrandirent lui donnant un air encore plus sinistre, définitivement inhumain et elle éclata de rire. Un rire profond, presque hystérique devenant de plus en plus aigu. Elle riait à gorge déployée stupéfiant les autres invités qui n'osaient bouger puis elle se redressa un sourire mi-moqueur, mi-diabolique sur les lèvres elle tendit le bras vers l'objet de son amusement, elle ne devrait pas tuer celui là tout de suite, il pouvait encore offrir une distraction plus que convenable.

                - Je ne suis pas le diable, misérable larve ! Grogna-t'elle.

Dans son bras tendu elle chargea toute l'envoutante énergie qui était la sienne, enveloppant sa main dans une subtile brume vert pomme qui ondulait en de délicieuses et précieuses volutes apaisantes. Tous semblait presque hypnotisés et brutalement elle serra le poing concentrant toute l'énergie dans son poing alors l'appartement autour d'eux commença à vibrer d'abord légèrement puis la vibration se transforma en secousse qui poussa les malheureux attablés à se recroqueviller contre le sol et à s'accrocher à leur chaise. L'homme debout devant la table où Lanna était juchée s'effondra au sol tenant sa tête entre ses mains pour se protéger.

                 - Voila qui est mieux, susurra Lanna, on ne reste pas debout devant une déesse, on se prosterne ! Clama-t'elle d'une voix forte tandis que la secousse cessait.

                 - Mais... mais quelle déesse êtes vous ? Demanda une femme misérable recroquevillée juste devant la table.

Lanna se tint bien droite afin de faire ressortir son port altier, alors que l'énergie qui l'enveloppait faisait onduler ses long cheveux bruns dans son dos pour former une couronne dont les joyaux d'énergie vert printemps luisaient à la lumière du lustre au dessus d'elle.

                 - Je suis la Déesse mère de la Terre. Rugit Lanna d'une voix mystique et lointaine comme si elle revivait un vieux souvenir.

Les femmes autour de la table inclinèrent lentement la tête devant elle, Lanna sentait que c'était plus par opportunisme que par réelle foi mais il fallait bien commencer quelque part.

Un rire étouffé brisa soudainement la solennité de l'instant. Lanna se détourna violemment vers l'importun qui osait rire devant elle, de son pouvoir. Léopold auquel elle avait laissé la vie sauve jusque là riait, sans se cacher, sans honte, sans peur, sans craindre une seconde son pouvoir, sa personne. La rage qui l'avait consumé jusque là envahit de nouveau le coeur de Lanna et l'énergie qui s'était fait chaude et apaisante redevint brute, sauvage, dangereuse. Lanna hurla de nouveau, de rage cette fois, faisant trembler les murs de sa puissance mal contenue, la bête que le séisme avait calmé était repartie à la chasse. Elle voulait du sang, son sang, des cris, les cris d'agonie du misérable qui n'avait cessé de douter d'elle. Elle voulait la mort, autant pour son culte de déesse, elle allait massacrer ces idiots, tous, jusqu'au dernier. Elle bourdonnait de colère, de furie, l'énergie qui l'entourait pulsait avec violence et elle projeta ses premières disciples contre les murs autour d'elle avant de se tourner vers sa première victime. Celui sur lequel elle allait s'acharner. Sans même attendre son ordre, un de ses fils de poussière transperça le bras de Léopold lui arrachant un déchirant cri de douleur.

                - Tsss... fit Lanna d'un ton légèrement réprobateur. Et le fil de poussière couvert de sang revint aussitôt vers elle pour onduler entre ses doigts. Il s'approcha de sa bouche et d'un coup de langue elle lécha quelques gouttes du sang qui le recouvrait avec délice.

Elle jouait des doigts laissant le fil glisser d'un doigts à l'autre, serpentant entre ses phalanges savourant les saveurs ferreuse qui lui emplissaient les papilles. D'un geste sec de l'autre main elle dirigea les autres fils d'énergie et de poussière qui attendait sagement ses ordres vers sa victime qui gémissait au sol. L'un visa l'épaule, l'autre le bas ventre et Lanna se délecta des hurlements stridents, des vaines suppliques de Léopold quand soudain une personne s'interposa entre eux. Lanna stoppa ses armes et plongea son sinistre regard redevenu vert pétard dans les yeux bruns emplit de larmes et de terreur de Léonie.

                   - Arrête... Je t'en supplie... Arrête... C'est notre père... Arrête Lanna, je sais que c'est pas toi tout ça...

L'espace d'un instant la bête voulut frapper, éliminer cette misérable qui se mettait entre elle et sa distraction, faire de cette inconsciente un exemple pour tous mais quelque chose se brisa en elle. C'était sa grande soeur... Noyée dans cette spirale de sang, de souffrance et de carnage Lanna reprit brusquement pied et ce qu'elle vit autour d'elle la stupéfia : la maison était prise dans un gigantesque capharnaüm, les chaises renversées sans dessus dessous autour de la table, la vaisselle en grande partie brisée, et la table... Pourquoi... Pourquoi était elle debout sur la table ? Elle plongea ses iris redevenu mordorés dans les prunelles envahies de larmes de sa soeur et l'espace d'un bref instant : elle se revit... Quelques semaines auparavant face à Naomi alors qu'elle avait failli tuer Alex... Qu'avait elle fait ?

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