77 - Psychédélique

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Damien avait a peine quitté leur couloir que Naomi avait été rejointe par son professeur de littérature, monsieur Dante, qui l'avait gratifiée d'un haussement de sourcil surpris. Il n'était pas idiot, il avait vu Damien quitté le couloir où elle attendait, il était logique qu'il se pose des questions. Naomi esquissa un léger sourire amusé en guise de réponse.

              - C'est compliqué... lui dit elle en balançant la tête.

Monsieur Dante la couva du regard et afficha un air énigmatique.

               - Je m'en doute... Répondit il d'un ton pince-sans-rire. Juste... Fait attention à toi, Naomi. La mit il en garde.

La jeune sorcière hocha la tête en clignant des yeux pour marquer son assentiment. Elle appréciait beaucoup son professeur de littérature et elle savait que ce sentiment était réciproque. Il avait été l'un des rares au lycée à chercher à l'aider durant sa descente aux enfers, concrètement. Il n'avait pas voulu se contenter de regards en coin et de sourires appuyés pour lui manifester son soutien. Il lui avait parlé, avant les cours, après. Jamais une fois elle avait mentionné ses tourments, et il n'avait pas posé de question, parlant de tout et de rien lui rappelant non seulement qu'elle n'était pas seule mais aussi qu'il y avait pire qu'elle dans le monde.

Il passa sa main dans ses cheveux dérangeant son impeccable houppette blonde qu'il arborait quotidiennement pour chasser le malaise qu'il ressentait après l'échange de regard avec sa plus brillante élève. Elle avait changé, une noirceur qu'il n'avait jamais remarqué, avait fait son apparition dans les profondeurs vertes de ses iris, et il n'aimait pas cela. Il craignait de savoir ce que cette obscurité signifiait, et Naomi ne méritait pas cela. Il ferma les yeux en entendant les autres élèves de la première littéraire arriver dans le couloir et se tourna vers la porte le temps de cacher l'inquiétude qui l'envahissait.

La dizaine d'élèves arriva bien vite devant la 331 mais resta à bonne distance de Naomi qui attendait toujours adossée au radiateur avec un air nonchalant.

Monsieur Dante prit une profonde inspiration avant d'ouvrir la porte et de se tourner vers ses élèves avec l'air enjoué qui le caractérisait même si Naomi devinait qu'il s'agissait d'un masque qu'il arborait.

                   - Bonjour tout le monde, s'exclama-t'il, rentrez rentrez... J'espère que vous avez passé de bonnes vacances et que vous êtes prêt à vous replonger dans Œdipe Roi !

Naomi suivit son professeur dans la salle tandis qu'un concert de grognements et de gémissements endormis lui répondaient.

Elle s'installa comme à son habitude au deuxième rang face à la porte, à coté du radiateur, et profita de la lente installation de tous les élèves pour les détailler avidement.

La tension était palpable, murmures et regards en coin s'échangeaient, se confrontaient, pour finalement s'entremêler en un ballet sinistre et malsain. Naomi retint un sourire satisfait, son premier mouvement semblait avoir atteint son objectif. Le grincement de la porte mit fin à ses réflexions. La majorité des élèves relèvent la tête pour observer les retardataires, Alex et Lanna franchirent la porte l'air profondément troublé. Naomi s'assit sur sa chaise, et pencha la tête sur le coté avec curiosité. Alex... Alex n'avait pas l'air dans son assiette, il était plus pâle que d'ordinaire et ses yeux bleu vif semblaient voilés par une inquiétude sourde. Ses vacances avaient du être riche en rebondissements, Naomi entortilla l'une de ses mèche autours de son doigt avec un air absent, était-ce la fin des Élémentaires qui l'avait mis dans cet état ? Pourtant, Damien lui avait bien fait comprendre que Lanna et lui l'avait trahi, c'était curieux... Soudain, un frisson remonta violemment son dos lui déclenchant des tremblements de douleur. Elle sentait quelque chose, quelque chose qu'elle n'avait jamais sentit auparavant, une énergie. Ce n'était pas glacial et ensorcelant comme sa magie, ni même chaud et rassurant comme Damien, c'était... Différent. Elle expira brutalement et huma l'air autours d'elle à la recherche d'indices. La salle suintait un parfum de détergent bon marché qui lui irritait le nez, mais il parvenait pas à masquer les différentes autres odeurs qui l'envahissaient peu à peu. Il y avait bien sûr des effluves de parfums et de déodorants classiques émanant des élèves mais ils n'arrivaient pas éclipser l'entêtante fragrance de muguet, menthe et jasmin qui la faisait frémir et finissait par l'angoisser. Ce n'était pas un parfum industriel, c'était de la magie, c'était l'odeur d'une aura. Elle fit claquer sa langue et entreprit de gouter cette énergie. Elle savait que la sienne avait l'acidité du citron glacé avec une touche de cannelle. Elle devait savoir quel était le gout de celle-ci. Elle glissa sa langue entre ses dents et laissa la magie effleurer ses papilles. Fraise, menthe et ciboulette. Elle releva les yeux et braqua son regard sur les deux nouveaux arrivants, seul l'un de ses deux là pouvaient avoir une telle saveur. Elle fixa Alex qui rejoignait sa place plus discrètement que de coutume, essayant de percevoir le parfum de sa magie. Elle décelait un souple arôme de cèdre et peut-être de patchouli mais il était presque complètement occulté par l'autre effluve, celle qui l'inquiétait tant. Naomi se tourna vers Lanna en s'efforçant de son mieux de masquer son souffle qui haletait et la violente inquiétude mêlée de douleur qui l'envahissait face à cette aura. Cela lui rappelait quelque chose, un souvenir... un rêve peut-être. Elle ne savait pas mais elle sentait comme un parfum de mort entourer la jeune femme. Elle tenta de reprendre le contrôle de son corps, sa réaction était irrationnelle, complètement irrationnelle. Elle expira de nouveau, elle devait se calmer, calmer les battements de son coeur furieux qui réagissait à ce fumet diabolique comme à une attaque. Elle se mordilla la lèvre inférieure et se concentra sur Lanna. Elle avait changée elle aussi, pendant les vacances, elle n'arborait plus ce look de princesse du style, mini jupe et bottines à talons mais avait renouée avec ses sweats à capuches, jeans-baskets. Ses longs cheveux bruns coiffés en une épaisse queue de cheval, elle avait l'air d'une rebelle, un animal sauvage que l'on essaye de maîtriser. Était-ce la raison de la violence de son aura ? Naomi serra ses bras contre elle comme pour se protéger de l'agressante oppression qu'elle ressentait. Elle voulait croire que c'était la première fois qu'elle ressentait une telle chose mais elle savait que cela serait un mensonge. Elle se souvenait de cette malfaisante énergie, noire, sauvage, terriblement mortelle. Elle l'avait vu, elle l'avait déjà sentie en rêve. Complètement psychédélique, ce rêve d'ailleurs mais elle s'en souvenait particulièrement bien. Elle avait visité un univers de couleur et parfum, dansé avec des arabesques et des aigrettes aigue-marine, saphir et azur. Elle sourit en se rappelant l'enivrante odeur des volutes qu'elle dégageait alors, un subtil parfum de chèvrefeuille mêlé à un soupçon d'aubépine. C'est alors qu'elle avait sentit, d'abord des arômes d'ylang ylang, et de cyprès mêlés à une odeur de terre sèche c'est alors qu'elle avait vu apparaître des tourbillons grenat et des spirales vermeille. Curieuse, elle s'était approchée accompagnée des volutes céruléennes et aigrettes lapis qui ne la quittaient pas mais aussitôt ils avaient fuit pour continuer leur danse plus loin. Elle aurait pu essayer de les poursuivre, mais elle avait inconsciemment su que cela ne servirait à rien, et qu'elle ne pourrait s'approcher. Alors, elle était resté, seule sans l'être vraiment, jouant avec les énergies qui prenaient toutes les formes et les nuances qui lui plaisait tourbillonnant avec elle sans que cela n'ait aucun sens. C'était alors qu'elle avait sentit, d'abord une violente sensation de froid qui avait agité les arabesques vermeilles avant de disparaître à son contact puis l'odeur le jasmin, la menthe et muguet. Des rubans verts amandes s'étaient insinués dans son rêve et son espace de jeu. Elle avait été en colère, et avait voulu chasser l'intruse de son esprit mais s'était arrêté en voyant les rubans d'énergie pâlir. Elle l'avait soudain perçue, la mort, de nouveau s'introduire chez elle. Elle aurait du avoir peur, vouloir se battre mais elle savait que cela était inutile. La mort ne laisse jamais le choix, elle le savait, elle le lui avait appris, alors elle s'était approchée sans honte, sans peurs, prête à partir si c'était ce qu'elle demandait. Elle trouvait juste assez ironique pour quelqu'un qui ne peut ressentir le froid, de mourir frigorifié car elle voyait toujours les volutes grenat trembloter devant le vent glacial que dégageait le ruban vert pâle. Elle esquissa un sourire et laissa un tourbillon d'énergie azur s'entortiller autours d'elle comme pour la protéger et la retenir. Elle le caressa du bout du doigt avec un sourire affectueux et s'avança encore plus près de l'origine du vent. Elle était prête mais ne pu retenir un dernier éclat de rire. On lui avait toujours dit que quand on mourrait on voyait sa vie entière défiler devant ses yeux, ça elle préférait passer, sa vie avait été tout sauf une ode au bonheur et à la félicité alors quitte à s'endormir pour l'éternité elle préférait passer la case cinéma et aller droit à l'étape lumière blanche au bout du couloir. Alors que son rire se mit à voleter autours d'elle sous forme d'aigrettes bleu céruléens, elle posa sa main sur le ruban d'énergie aspirant le froid en elle. Elle n'eut pas mal mais elle sentit une autre force entrer dans son espace et des pensées se bousculer autours d'elle. Des centaines d'éclats et d'étincelles asperge, émeraude, et kaki apparurent dans l'univers dans lequel elle était réfugiée la poussant à reculer pour rejoindre les tourbillons et les volutes tiffany qui l'entourèrent telle une barrière protectrice en des milliers de frémissements lotus et muscade. Les pensées se multiplièrent, et l'odeur, l'entêtante odeur de fleurs sauvages et de sang se renforça lui donnant presque mal au coeur. Mort, sang, massacre, punition, jugement... Elle le méritait. Elle allait dormir, s'endormir ici seule et ainsi payer pour ses monstrueuses actions. Naomi ne contrôlait plus rien, l'énergie vert empire la bombardait de pensées, de souffrance, et de ressentis. Elle ne comprenait plus rien, une chose était sure qui que cela soit, se suicider était lâche. Les tourbillons grenat s'agitaient eux aussi et pétillèrent de pensées tout aussi intrusive que les vertes. Naomi mit ses mains sur ses tempes espérant calmer le capharnaüm qui s'était déclenché. Les lueurs vertes étaient attaquées par les tourbillons vermeils et grenat à coup pensées interposées. C'était infernal, épuisant et surtout terriblement douloureux lui donnant envie de hurler à toutes ses énergies de se taire et de se calmer. Elle s'apprêtait à le faire quand un éclat gris perle apparut et entraina les exaspérantes volutes opalines avant de disparaître avec elles et de faire revenir le silence, enfin.

Naomi secoua la tête espérant chasser de ses pensées l'étrange rêve qu'elle avait fait pendant les vacances qui lui avait fait faire connaissance avec la troublante énergie de Lanna. Elle se frotta les bras calmant les incontrôlables frissons que la mortelle aura de Lanna lui déclenchait. Elle expira à nouveau réussissant cette fois à apaiser les battements de son coeur. Elle allait devoir être prudente, Lanna lui semblait bien plus menaçante qu'avant les congés de fin d'année. Cela pouvait être un obstacle pour ses plans, sauf si... Un sourire cryptique fit son apparition sur ses lèvres irritées par la magie, un obstacle est un obstacle et une menace reste une menace pour tout le monde, et pas seulement pour elle. Lanna avait le potentiel de devenir un bouc-à-émissaire idéal et surtout une excellente remplaçante à son rôle de démone instable.



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