Nous ne nous sommes vus que quatre ou cinq fois en trois semaines. Comme à son habitude, John disparaît régulièrement sans me dire où il va, mais il revient sans prévenir pour me proposer quelque chose de nouveau. Une balade en Segway dans les rues de Los Angeles, un concert électro en plein air, et toujours j'accours parce que je ne peux pas m'en empêcher.
J'en ai pourtant un peu assez que les choses ne soient pas très claires entre nous. Seule cette réelle complicité qui nous unit m'interdit de prendre le large pour passer à autre chose. Nous partageons de très beaux moments à chaque fois, mais j'ai l'impression que John a bel et bien décidé que nous resterions des amis. Même si les baisers que l'on s'offre à l'heure de se quitter sont un peu plus qu'amicaux, nous n'allons pas plus loin. Il y a toujours de la tendresse, beaucoup même, et de la passion également dans ces baisers, quand je me laisse aller, mais John garde ses distances et je fais mine de ne pas en être affectée.
Pour être tout à fait honnête, il m'arrive d'imaginer que je n'ai pas su le satisfaire sur le plan physique. Je me dis qu'il attendait peut-être... autre chose.
C'était pourtant si intense !
Pour je ne sais quelle raison, nous ressemblons à deux êtres séparés par un fleuve. Et c'est comme si nous craignions de nous mouiller les pieds. Comme si l'eau était glacée et que nous avions peur de prendre froid.
Je m'efforce de m'adapter, mais me reviennent sans cesse les flashs éblouissants de notre plaisir en altitude. Il m'a marquée dans tous les sens du terme. Et depuis, je ne me reconnais plus. Je garde espoir malgré tout quand je surprends le regard qu'il porte sur moi. C'est celui de quelqu'un qui... se retient.
John ne me touche pas comme une maîtresse, mais il ne me regarde pas comme une simple amie.
Au secours, c'est très compliqué !
– Cette robe te va à merveille, me souffle-t-il tandis que nous passons le seuil de la galerie où se tient le vernissage photo d'une de ses connaissances.
– Tu portes assez bien le smoking, répliqué-je en souriant.
C'est un soir de fin juillet, il fait doux, les lieux sont bondés. Les tirages encadrés sont splendides, représentant des hommes et des femmes en chute libre. Parmi eux, je ne manque pas de découvrir un cliché de John qui ressemble à un ange dans les nuages. Son visage exprime un bonheur absolu.
Je me colle à lui par réflexe :
– Elle est très belle, cette image.
Il acquiesce, les yeux brillants, tandis qu'une très jolie femme nous rejoint. Grande, rousse, pulpeuse, fatale. Je suis d'abord jalouse du regard bleu pur qu'elle porte sur John, puis je me sens un peu mieux quand il fait les présentations :
– Alexandra, voici Kate Blaine, mon assistante, agent et amie de longue date. Kate, je te présente Alexandra Leduc dont je t'ai déjà parlé.
– Ah, je vous rencontre enfin ! déclare Kate d'une belle voix grave.
Son sourire est chaleureux et elle me plaît d'emblée. Sans doute parce qu'elle vient de me confirmer que John m'a évoquée. Et puis le regard qu'elle m'offre est d'une grande douceur.
– Je peux t'entretenir d'un problème, John ? lui demande Kate, avant de se tourner vers moi : j'en ai pour deux minutes, Alexandra, pardonnez-moi.
J'acquiesce et les observe s'éloigner. Je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'ils forment un très beau couple.
Pour ne pas commencer à cogiter, j'attrape mon portable et écris un SMS à l'adresse de Sarah :
[Je suis à un vernissage. Je viens de me faire voler John par une bombe...]
J'ajoute un smiley affolé pour plaisanter. Je profite du passage d'un serveur et saisis une coupe de champagne sur le plateau qu'il promène en équilibre parmi les invités.
La réponse de Sarah arrive dans la foulée.
[C'est quoi cette histoire ???]
J'écris ma réponse :
[Je blague, c'est son assistante ! Mais elle est très belle...]
De temps à autre, nous échangeons des petits textos qui constituent la saga White selon Sarah.
Compte tenu de mes rapports presque chastes avec John, elle me demande parfois en riant si je n'ai pas rêvé mes ébats dans le jet. Et je vais finir par me poser cette question moi-même, tant ça me paraît loin dans le passé.
La réponse de Sarah vient d'arriver :
[C'est vrai que toi tu ressembles à Shrek !]
Je souris et range mon portable dans la pochette de mon petit sac à main. Un homme très séduisant s'approche de moi au même moment et je reconnais Will Sanders, un agent réputé dans le milieu des cosmétiques.
– Alexandra, quel plaisir de vous revoir. Alors toujours décidée à travailler sans agent ?
– Parfaitement, dis-je en riant. Je tiens trop à mon indépendance.
– C'est dommage, je pourrais vous dégotter des contrats faramineux.
– C'est gentil, Will, mais je m'en sors assez bien.
– Et une offre pour une marque de parfum très connu qui commence par un C, avec un numéro à la fin ?
Je ris. C'est tentant, mais ce n'est pas ce que je recherche. Je tiens plus que jamais à décider par moi-même et je ne veux pas être liée à qui que ce soit dans ce domaine.
– Vous êtes intraitable, conclut-il, mais c'est ce qui fait votre charme.
Il me salue avec élégance avant de s'éloigner vers un couple guindé qui lui adresse des signes discrets.
C'est le moment que choisit John pour poser ses paumes sur mes épaules et me chuchoter :
– Mademoiselle Leduc drague en mon absence ?
Je frissonne au contact de ses doigts sur ma peau nue. Je sais qu'il plaisante, mais l'idée qu'il est peut-être un peu jaloux n'est pas pour me déplaire.
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FIGHT FOR US
ChickLitL'Amour est-il vraiment plus fort que tout ? Alexandra Leduc est une jeune mannequin repérée par l'agence ELITE à qui tout sourit. Les marques les plus célèbres la veulent pour égérie, les hommes succombent à son charme insolent... elle a le monde à...