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John se penche pour lire le programme associé au cliché :

– Ciel de Paris au crépuscule et réception au centre du Champ-de-Mars, joli programme. C'est vraiment celui-ci qui te tente ?

Je hoche la tête avec le sourire béat d'une gamine devant la vitrine d'une pâtisserie.

– Pouvez-vous préparer cette phase, Eddy ?

– Bien sûr, monsieur White !

– Comment tu connais cet endroit ? demandé-je.

– Disons que j'ai participé financièrement au développement du projet FLY, pour offrir à tout le monde le rêve d'un saut sans danger.

Je le félicite tandis qu'il m'aide à prendre place dans la structure du portique où est accroché le harnais de parachutisme.

– Je suis obligé de t'attacher, murmure-t-il en fixant le harnais autour de mes épaules et une sangle de sécurité autour de mon ventre.

"Attache-moi, d'accord...

Je suis terriblement excitée. De le sentir si près de moi, d'être entre ses mains. Et aussi à la perspective de vivre cette nouvelle aventure. Je suis suspendue à un portique, simplement retenue par un harnais, je me balance légèrement à un mètre du sol.

– Maintenant, le casque à visée. Et ensuite tu seras parée !

Derrière l'écran fumé, j'admire son sourire, je respire son parfum.

– Ça te va très bien. Dès que tu te sens prête, je demande à Eddy de lancer le saut. Sache qu'au moment où démarrera la session tu éprouveras immédiatement la sensation d'être dans les airs, comme si tu venais de plonger de la carlingue d'un avion. Cette manette à hauteur de ton thorax sert à ouvrir ton parachute. Dès que tu reçois le message d'alerte sur l'écran du casque, tu tires dessus un coup sec. Et ensuite les poignées qui sont de chaque côté de ta poitrine te permettront de contrôler la voile. Alors ?

– Je suis prête ! m'exclamé-je.

John me décoche un nouveau sourire où je lis comme un mélange d'étonnement et d'admiration.

Croyait-il que j'allais me dégonfler ?

Il recule de quelque pas pour dégager la zone de simulation et adresse un petit signe à Eddy.

– Bon saut, Alexandra, lance John.

Dans la seconde qui suit, je suis littéralement projetée dans un autre monde. Les lunettes connectées me renvoient le décor d'un ciel crépusculaire et je ressens immédiatement la pression du vent. Les oreillettes intégrées délivrent à mes tympans son sifflement avec un réalisme parfait. C'est... incroyable !

J'en rêvais depuis toujours... je vole !

J'écarte les bras pour éprouver encore mieux la pression du vent, tandis qu'un ciel splendide défile devant mes yeux. J'ai bien conscience que cette réalité est virtuelle, mais au fil des secondes, cette impression s'évanouit et je m'y sens vraiment. C'est époustouflant.

Mon rythme cardiaque s'est accéléré.

Je n'ai pas peur du tout, j'adore. C'est l'adrénaline à l'état pur, celle dont j'ai tant besoin pour me ressourcer, comme lorsque je retrouve Sarah dans les Rocheuses pour dévaler des pentes vierges à ski.

La terre se rapproche, le sol de Paris, j'aperçois la ville et les voitures qui ressemblent à des miniatures, les lumières et les blocs sont immeubles, des quartiers de la capitale.

Magnifique...

Je suis au paradis. Le vent m'enveloppe comme un manteau mouvant, c'est délicieux. D'après les indications qui défilent en haut à droite de mon casque à visée, je tombe dans le ciel à deux cent à l'heure.

Je distingue déjà l'Arc de triomphe et puis non loin la tour Eiffel.

Une diode rouge clignote et un message me signale qu'il est temps de déclencher l'ouverture du parachute.

Non pas encore, c'est trop bon !

Je ne sais pas si c'est un phénomène semblable à l'ivresse des profondeurs, mais j'ai envie que ça dure. Cette masse d'air qui me porte est une sensation exceptionnelle. Je suis véritablement comme sur un nuage.

Le Champ-de-Mars se rapproche, je peux désormais distinguer la texture de la pelouse et ce cercle de feu marquant la zone de contact au sol. Sur l'écran du casque, l'alarme d'ouverture clignote de plus en plus vite et m'indique une réception prévue en mode secours...

J'adore !
Allez d'accord, maintenant !

Je tire un coup sec sur la manette, je suis brusquement happée vers le haut. Ça me scie un peu les épaules et j'ai désormais l'impression de faire du surplace. Je me balance de droite et de gauche dans le ciel. Le bruit du vent est moins fort, la voile au-dessus de moi claque et je descends lentement vers le cercle de feu qui s'avère être une zone délimitée par des fumigènes. Je distingue des personnages qui m'observent et agitent les bras, si petits que l'on dirait des Playmobil.

Le sol se précise de plus en plus, je plie les genoux instinctivement pour amortir le choc que je ressens encore une fois physiquement.

Et puis plus rien, juste le souffle coupé, le cœur qui bat à cent à l'heure.

Après un bref instant, mon casque se soulève, je cligne des yeux et le regard de John est la cerise sur le gâteau.

– Alors, c'était...

– Génial, sublime, extraordinaire ! le coupé-je dans un état d'excitation ultime. Je veux bien recommencer tout de suite. Et tous les jours si possible.

Il rit tout en détachant le harnais, avant de m'aider à quitter le portique. J'adresse un signe, pouce levé, à l'intention d'Eddy pour le remercier. Et je me presse sans réfléchir contre le torse de John, qui referme ses bras sur moi.

– Tu t'es super bien débrouillée, mais tu as ouvert ton parachute beaucoup trop tard.

– Je voulais que ça dure, Alexander.

– Je comprends, mais il y a des règles à respecter.

– C'est un jeu quand même !

– C'est une discipline, objecte-t-il avec le sérieux d'un professeur, un état d'esprit.

– Tu n'as même pas essayé. Pourquoi d'ailleurs ?

– D'abord parce que je connais. Et ensuite parce que je préfère sauter en vrai !

– Tu pratiques la chute libre ! m'exclamé-je.

– Depuis quelques années, oui. C'est devenu un besoin, je ne peux pas vivre sans ça. C'est tellement plus excitant en vrai.

FIGHT FOR USOù les histoires vivent. Découvrez maintenant