Chapitre 16

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Je recule d'un pas, inconsciemment. Si je reprends depuis le début son raisonnement, je trouverais bien une explication logique. Mais non. La logique n'a pas sa place ici. Et je déteste ça.

"J'ai besoin d'en savoir plus... Je ne suis même pas sûre de comprendre. j'explique.

-Tu comprendras avec le temps. Regarde l'avenir. Que vois-tu ?

-Un bain de sang. je réponds en toute honnêteté.

-Tu ne vois donc pas ? C'est ça qui fait votre force. Tu vois les ténèbres. Will voit la lumière. Tu es impulsive. Il est réfléchi. Ton cœur te contrôle. Sa tête le contrôle. Le feu et la glace.

-En admettant que j'accepte. Qu'est-ce que ça me coûterait ?

-La gloire. La lumière. La reconnaissance. Tout ce qu'ont les puissants, ceux que tu côtoieras, et que tu ne pourras jamais obtenir.

-L'ombre et le secret. C'est ça que vous me proposez ? je demande encore.

-Oui. Mais tu n'es pas obligée d'accepter le pacte.

-Vous ne me connaissez pas aussi bien que vous le pensez. Les ténèbres, c'est tout ce qu'il me reste. Autant y faire mon nid.

-Je n'en attendais pas moins de toi. Ce soir, au coucher du soleil, rejoins-moi dans le bois derrière cette tente. Les Pevensie seront là, et je vous ferai Chuchoteurs tous les deux.

-Je croyais que Will l'était déjà... je dis en fronçant les sourcils.

-Il attendait ta décision pour confirmer la sienne. Il ne se voyait pas seul avec cette responsabilité.

-Je comprends. Merci, Aslan." je dis avant de m'incliner et de sortir de la tente.

Une fois que le drap qui sert de porte claque dans le vent, je réalise que j'ai complètement oublié ce pour quoi j'étais venue. Mais quand je pénètre à nouveau dans la tente, le Lion a disparu. Malin. Il faudra que je pense à détourner le sujet la prochaine fois qu'on me posera des questions auxquelles je ne veux pas répondre, et ensuite à partir comme si de rien n'était. Je me suis bien fait avoir.

Le soir arrive vite. Beaucoup plus vite que je le souhaiterais. Je me mordille l'intérieur de la joue, nerveuse. Je ne sais absolument pas à quoi m'attendre.

En ce moment précis, une seule question me trotte dans la tête. Comment ai-je pu accepter ? Je suis très certainement la moins bien placée pour ça, et le coup de "c'est la faute du destin", je n'y crois qu'à moitié. Pourtant, je suis là, derrière la tente, au coucher du soleil, aux côtés de Will. Au final, j'ai presque l'impression que tous les gens auxquels je tiens réellement sont ici. Will. Lucy. Les trois autres Pevensie, même si je ne les connais pas vraiment. Mais j'imagine que si la victoire nous échoit, j'aurais tout le temps du monde pour apprendre à les connaître. Cependant, Alys et Jinnan manquent à ce tableau presque parfait. Pour mon mentor, il est trop tard. Mais Alys... Dès qu'Elle sera tombée, nous trouverons un moyen de lui rendre sa forme initiale. J'en suis persuadée.

Le soleil finit par mourir au-delà des collines, et Aslan fait son apparition. Jamais je n'avais eu l'impression qu'il était si grand, ni si imposant. Mais à vrai dire, il ne m'impressionne pas plus qu'auparavant.

Will m'a déjà tout expliqué. Dès que je suis sortie de la tente d'Aslan, j'ai couru le rejoindre sur la pierre où il se perchait avant de lui demander de m'expliquer. Pour être honnête, j'avais du mal à croire qu'il ait pu me cacher ça pendant aussi longtemps. Il a toujours été le pire des menteurs. Mais les temps changent. Et les gens aussi.

Ma fébrilité doit se lire sur mon visage, étant donné que Will me gratifie d'un de ces sourires rassurant dont il a le secret. Rassurer les gens, ce n'est pas mon fort. Il paraît que, dès que je parle à qui que ce soit, on dirait que j'ai l'intention de lui lancer une dague entre les deux yeux. Mais ce n'est qu'une façade de plus. Plus j'ai l'air forte, moins je me sens faible.

Une sorte de rituel est censé nous lier au Royaume de Narnia, ou quelque chose comme ça. Will a passé les deux dernières heures de l'après midi à tenter de faire entrer dans mon crâne rétif les paroles rituelles. Il y en a beaucoup trop, pourquoi ne raccourcit-on jamais ce genre de vœux ?

Je suis Will quand il commence, les poings serrés pour éviter que qui que ce soit remarque le tremblement de mes mains.

"Je suis la voix qui conseille l'égaré.
Je suis le murmure qui fait naître l'idée dans l'esprit des sages.
Je suis la main qui guide la plume du messager.
Je suis celui qui chuchote dans les ombres,
pour que mes mots s'élèvent au dessus des montagnes.
Je suis un Chuchoteur.
Ombre parmi les ombres.
Murmure dans les ténèbres.
Et conseil dans les heures sombres."

J'espère de tout cœur ne pas m'être trompée dans l'ordre des phrases, mais je conclus qu'il n'en est rien lorsqu'un clin d'œil de mon ami me ramène à la réalité.

On s'en est sortis. Et tout a l'air d'aller bien. Pour l'instant.

La petite Lucy me saute au cou, un grand sourire aux lèvres. Un peu surprise, il me faut quelques secondes d'adaptation avant de lui rendre son étreinte. Je finis par reculer de quelques pas, un sourire aux lèvres.

"Ça veut dire qu'on restera toujours ensemble ? me demande la petite fille.

-Il y a intérêt." je réplique avec un clin d'œil.

Les trois autres Pevensie s'avancent vers nous, et Susan engage la discussion avec Will. J'avais presque oublié qu'ils ne s'étaient rencontrés qu'une fois. Ce qui est étrange, c'est Will a l'air très détendu... Et de très bien s'entendre avec Susan Pevensie. Un sourire m'échappe, et la voix de Lucy me ramène à la discussion.

"Maya ? Tu m'écoutes ?

-Non, désolée ma puce. je m'excuse en passant une main sur ma nuque.

-C'est pas grave, c'était pas très intéressant de toute façon." répond-elle en haussant les épaules d'un air théâtral.

Je laisse un rire naître sur mes lèvres, et Peter finit par me tendre la main.

" Félicitations, je suppose.

-Garde ça pour après la bataille. je réplique en lui serrant la main.

-D'ailleurs, on t'a vue t'entraîner l'autre jour. Tu penses pas que tu pourrais aider un peu Edmund ?

-À l'épée ?

-Oui. Tu te débrouilles mieux qu'au début.

-Will est meilleur que moi. Tu devrais lui demander.

-Je crois que vous êtes plus proches en termes de gabarit... me glisse-t-il à l'oreille.

-Donc maintenant tu me compares à ton frère de quoi ? Douze ans ? Je fais au moins une tête de plus ! je riposte, prenant un air faussement vexé.

-Te vexe pas ! Je voulais dire, vous êtes tous les deux maigres comme des clous.

-C'est ça, enfonce le clou." Je marque une brève pause avant de réaliser ce que j'ai dit. " Ce n'était pas un jeu de mot pourri, c'est sorti tout seul.

-Loin de moi cette idée."

Je hoche la tête avant de me rappeler du point de départ de la discussion.

" Pour ton histoire d'entraînement. Quand tout ça sera fini, c'est d'accord. Sauf si un de nous meurt, évidemment." je réplique, incapable de retenir mes remarques grinçantes.

Au final, il est possible que Peter Pevensie ne soit pas aussi insupportable qu'il en a l'air.

L'autre narnienneWhere stories live. Discover now