Disclaimers : non.
Notes de l'auteur : ceci est un jeu de style. On ne peut toujours narrer au passé en POV interne troisième personne, n'est-ce pas ?
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La lumière décline déjà.
Comme chaque soir de la semaine, tu rentres de ta journée de travail. Tu as acheté quelques légumes sur le chemin (des tomates. C'est bon, les tomates), et tu réfléchis à la meilleure façon de les accommoder pour le repas. Au fond de toi, tu sais que tu finiras par les découper en tranches pour en faire une salade, mais tu imagines malgré tout des recettes compliquées que tu ne testeras jamais.
Lorsque tu parviens dans ta rue, il est plus tard que d'habitude (la faute aux tomates, mais surtout à un dossier urgent qui t'a retenu). L'obscurité tombe et les véhicules garés se fondent dans une grisaille uniforme. Tu soupires. Il te tarde de t'avachir dans ton canapé, de prendre du temps pour toi. Avec un peu de chance, peut-être trouveras-tu un bon film à regarder ?
Tu soupires encore. Un bon film... Ou peut-être un livre. Mais il faut encore que tu t'arrêtes à la boîte aux lettres. Un détour infime. Une poignée de secondes perdues.
La boîte est vide, à l'exception d'une brassée de prospectus publicitaires. Tu retiens un mouvement d'humeur. Aller jeter ces papiers te fera perdre encore quelques minutes. Tu hésites. Tu t'apprêtes à laisser les prospectus à leur place, puis tu te rappelles que tu as déjà repoussé l'échéance la veille, et le jour d'avant.
Quelques minutes perdues... Au moins, tu n'auras pas à te soucier de cette tâche demain.
Tu sors. La benne à papiers est un peu plus loin, une vingtaine de mètres à peine. La pénombre s'installe. Les recoins sont avalés par le noir. Une vingtaine de mètres, à l'heure où les ombres s'animent.
Un mouvement retient soudain ton attention. Tu te morigènes d'abord pour ton imagination trop fertile, puis tu comprends après un temps de retard que ce que tu fixes n'a rien d'une ombre. Non, il s'agit d'un homme, assis dos au mur, presque invisible dans la lumière fuyante.
Ton premier réflexe est de t'enfuir. Prétendre ne rien voir, retrouver ton chez toi. Puis tu entends le souffle court de l'homme, presque un râle, peut-être un gémissement, et te ravises. A-t-il besoin d'aide ? Quelqu'un d'autre est-il déjà passé par ici ? Es-tu la première à le remarquer ? La première à t'arrêter ?
Que te coûtera une bonne action ?
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— Monsieur, vous allez bien ?
Un grognement te répond. Tu vois des taches se détacher du sol plus clair. Du sang ? Des ombres ? Est-ce plus grave qu'un simple malaise ?
Tu te rends compte que tu n'as pas ton téléphone avec toi. Il faut que tu rentres. Tu ressens une pointe de soulagement, puis tu culpabilises.
Il a besoin d'aide. Vas-y.
— Ne vous inquiétez pas, je vais appeler le SAMU.
Tu inspires avec une nervosité tout à coup irrépressible, et tu termines ta phrase.
— ... et la police, aussi.
Tu regardes autour de toi une dernière fois avant de pousser la porte du hall de ton immeuble. La rue est déserte. Hélas. Tu aurais préféré que quelqu'un d'autre prenne l'initiative.