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— Vous voyez ? insista Yagor en secouant la tête du garde entre ses mains. Voici ce que l'on appelle un acte méprisable.

Il jeta la tête au sol. Celle-ci roula pendant quelques secondes, répandant une traînée poisseuse de sang sur son chemin.

— Quoi qu'ait fait cet homme, poursuivit-il en soulevant ce qui restait du pauvre garde, il était soldat. C'était un de nos camarades.

Lucian cligna des yeux. Q-Quoi ?

Il regarda les alentours, abasourdi.

— Réfléchir puis agir : c'est primordial...

À sa gauche se trouvait un homme. Un homme de grande taille dont le visage était caché derrière un casque. Un homme qui serrait de manière suspecte un objet dans ses mains. Cet homme, c'était...

— Moi ?

— Un problème, soldat ? l'interpela le capitaine.

Lucian sursauta.

— Hein ? répondit-il. N-non.

— Ma petite explication t'ennuie ?

— Pas du tout mons... Atchoum !

Un énorme filet de morve s'échappa de ses narines.

— Excusez-moi. Je suis juste un peu enrhumé. 

Enrhumé ?

Yagor le dévisagea avec dégoût.

— Prends un mouchoir alors. Donc je disais : qui est pour la torture ici ?

Lucian s'essuya le nez. Très bien, je suis enrhumé. Je suis également à gauche. Non. Mon corps est à ma gauche. Yagor l'avait expliqué lui-même : l'âme voyage, pas le corps.

Je suis donc dans le corps du petit garde malade. Il redirigea son attention vers ce qui avait été son corps. Mais alors, qui est là-dedans ? Lucian, ou plutôt l'autre Lucian, serra plus fort l'objet qu'il tenait dans ses mains. Il n'y avait aucun doute : ce corps était possédé par quelqu'un. Possédé, vraiment ? Non. Ce genre de choses ne peut pas exister... Lentement, Lucian passa sa main sur son visage. Ce n'est pas possible. Est-ce que c'est moi ça ? Alors, je suis...

Le son caractéristique d'une lame appliquée sur une trachée l'extirpa de ses pensées. Quelqu'un se faisait égorger, et bientôt l'odeur métallique du sang envahit ses narines.

— Vous voyez, dit Yagor en léchant le sang qui avait giclé sur son visage, c'est bien ça le problème, je suis trop impulsif.

Il retira son couteau de l'œil du garde à moustache. Le pauvre soldat s'écroula lourdement au sol. Son sang vint se mêler à celui du cadavre de son camarade décapité.

Non. Ce n'était pas un rêve, se dit-il avec conviction. J'ai déjà vécu ça. Je l'ai vu. Ce n'est pas le moment de perdre la tête. Il faut que je me souvienne de ce que je suis, de qui je suis.

Son identité lui revint peu à peu. Il était Lucian Marron, fils de Pierre Marron et Marie Marron. Il avait rejoint la Résistance peu après la mort de sa sœur, Elena, violée et assassinée par un groupe de soldats sous les ordres du Roi Lynx XXVI. Ses ordres étaient clairs : sauver le peuple du Royaume de Dantry et venger par la même occasion la mort de sa sœur, même si cela devait lui coûter la vie.

Alors, ce n'est pas le moment de perdre la tête.

— Heu... Capitaine ?

Lucian ouvrit des yeux ronds. Sa bouche. Elle s'était ouverte d'elle-même !

Le donjon qui se mord la queueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant