— Vous voyez ? insista Yagor en secouant la tête du garde entre ses mains. Voici ce que l'on appelle un acte méprisable.

Bon. Lucian. Membre de la résistance. Je sais. Et je suis dans la peau de...

— Quoi qu'ait fait cet homme, il était soldaaarrgh !

Yagor tomba soudain au sol.

— Capitaine ! s'exclama un garde.

— Il est mort ? demanda un autre.

— Capitaine, ça va ?

— On l'a empoisonné !

— Aaarrrgh !

À l'instar du capitaine, le garde moustachu s'effondra, sans vie.

— Un démon ! hurla le garde de petite taille. Un démon nous attaque !

— Aux armes !

— Non, ça c'est un rhume. C'est à cause de l'humidité.

— On va tous mourir !

Lucian regarda la scène, effaré.

Mais qu'est-ce que...

Soudain, il se rendit compte que les gardes se trouvaient plusieurs mètres en-dessous de lui.

Ce n'est pas possible, pensa-t-il. Mais alors, qui suis-je ?

Que sommes-nous veux-tu dire ?

Lucian manqua de crier de surprise.

Quoi ? voulut-il dire avant de se rendre compte qu'il ne pouvait rien faire de plus que penser.

Ce que nous sommes, répondit la voix de Yagor dans sa tête. À moins que tu ne te demandes pourquoi tu ne peux pas ouvrir la bouche. C'est tout simplement impossible pour un morceau de pierre.

Un morceau de pierre ?

Lucian baissa les yeux avant de se rendre compte qu'il n'en possédait pas. Il fit remuer ses jambes inexistantes et tourna sa tête fictive. L'évidence le frappa alors.

Je ne suis pas humain. Tout autour de lui devint froid. Je suis un morceau de pierre du mur du donjon.

Nous le sommes ! Nous avons appuyé sur le bouton en même temps.

Est-ce que je vais mourir ?

Mourir ? Un bout de caillou ne vit pas. Enfin, tout dépend de ta volonté d'esprit. Je te l'ai dit.

Lucian sentit soudain que tout autour de lui tremblait. Qu'il tremblait.

L'important...

— ... c'est ce qu'on a dans la tête !

Soudain, le donjon se disloqua. Une à une, les pierres se déboîtèrent du mur.

— Par tous les diables ! hurla un garde, effrayé. Que se passe-t-il ?

Lucian vit, avec effarement, les murs qui l'entouraient se fissurer.

— C'est ça, la force, Lucian, fit la voix de Yagor en ricanant. La force !

Un des murs s'effondra avant de s'évaporer dans le vortex multicolore qui s'était formé derrière lui. Le quoi ?

— Non ! fit le garde obèse en-dessous de lui, paniqué.

Toutes les pierres qui constituaient ce qui avait été le donjon gravitaient à présent autour du vortex. Sol, murs et plafond n'étaient plus. Ils n'avaient peut-être même jamais existé.

Le donjon qui se mord la queueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant