— Vous voyez ? insista Yagor en secouant la tête du garde entre ses mains. Voici ce que l'on appelle un acte méprisable.
Je ne comprends plus rien. J'ai mal à la tête, se dit Lucian avant de se faire jeter au sol et rouler pendant quelques secondes tout en répandant une traînée poisseuse de sang sur son chemin.
— Je suis une tête ! s'exclama-t-il.
À côté de lui, un garde sursauta.
— Qu'est-ce donc que cette...
Ce fut à cet instant que l'épée de Yagor, après s'être arrachée de la ceinture de son propriétaire, trancha la tête du soldat en deux.
— Tiens, Lucian ! fit l'arme d'une voix amusée.
Elle lévitait à au moins un mètre du sol.
— On a perdu la tête ?
— Yagor ? s'étonna le résistant en fixant l'objet des yeux. Mais comment...
— Ne te souviens-tu pas ? Nous n'étions qu'un ! répondit l'épée d'une voix tranchante. Nous avions pressé le bouton. Quel dommage que nous fassions bande à part, cette fois.
Lucian vit alors son ancien et véritable corps courir vers la porte, poursuivit par le garde de petite taille.
— Je te prie de m'excuser, railla Yagor dans l'épée, mais j'ai bien l'impression qu'il est temps que cette histoire se termine.
Le garde moustachu s'approcha des deux soldats et donna la clef du donjon à l'autre Lucian avant de s'écrouler soudainement au sol, mort. L'autre Lucian allait se diriger vers la porte et l'ouvrir juste avant de se faire embrocher par l'épée de Yagor, qui le transpercerait de part en part.
— Pitoyable, hein ? L'aventure prend fin avec une épée et une tête.
L'autre Lucian glissa la clef dans la serrure.
— Un climax un brin décevant, non ?
Il ouvrit la porte. Maintenant. Lucian fit rouler la tête qu'il possédait en direction de la porte.
— Ridicule, ajouta calmement Yagor.
Il accéléra son allure, sans regarder derrière lui.
De toute façon, je ne peux pas regarder derrière moi. Mes yeux sont sur le côté. Mais peu importait ce détail. Peu importait ce qu'il était. Lucian le savait : c'était sa dernière chance.
Enfin, il passa de l'autre côté de la porte, sortant du donjon qu'il lui semblait presque avoir habité toute sa vie. Il entendit un hurlement derrière lui. Surpris, il se retourna et aperçut ce qu'il restait de son ancien et véritable corps. Un simple tas de viande inanimée cloué au mur du couloir sombre par une épée.
— Oups, dit cette dernière. Je crois que je me suis trompé de cible.
Dans un relâchement musculaire opportun, le cadavre de l'autre Lucian ouvrit la main laissant tomber au sol un objet de forme triangulaire. La pyramide. Cette fois, c'est la bonne. Lucian roula en direction de l'objet.
— Excellent, fit gaiement l'épée. On recommence tout alors.
Lucian lui jeta un regard noir.
— Non, répondit-il. C'est terminé.
— Diableries ! s'exclama le petit garde qui, sortant à son tour du donjon, venait d'apparaître dans le couloir.
L'épée de Yagor se retira du mur et lui trancha la tête. Lucian en profita pour attraper la pyramide avec sa bouche.
VOUS LISEZ
Le donjon qui se mord la queue
FantastikMembre de la Résistance luttant contre l'odieux roi Lynx et son sadique capitaine de la garde, Yagor, Lucian se retrouve prisonnier d'une boucle temporelle...