— Vous voyez ? insista Yagor en secouant la tête du garde entre ses mains. Voici ce que l'on appelle un acte méprisable.

Qu'est-ce que...

Lucian baissa les yeux et regarda ses mains. Des gants de chevalier ? Je suis donc un membre de la Garde Royale.

— Quoi qu'ait fait cet homme, il était soldat. C'était un de nos camarades.

Enfin, je suis dans le corps d'un garde. En réalité je suis Lucian Marron, fils de Pierre Marron et Marie Marron. Je ne dois pas oublier : quel que soit le corps dans lequel je suis, je suis un membre de la Résistance et ma mission est de...

— Que personne ne bouge !

Lucian tourna la tête.

— On m'a volé ma moustache ! s'écria un garde de petite taille.

Non pas un, le garde de petite taille. Celui dans lequel j'étais avant.

— Réfléchir puis agir : c'est primordial...

— Capitaine, c'est de la sorcellerie !

— Bien sûr, poursuivit Yagor, imperturbable, parfois, des mesures draconiennes s'imposent.

Et donc, réfléchit Lucian, comme j'ai pu le voir, même si le corps que je possédais avant continue pendant un moment d'agir comme il le faisait dans la période précédente, il est habité par la conscience de la personne dont j'habite le corps à présent. Lucian ferma les yeux. Tout devenait de plus en plus compliqué : il fallait à tout prix qu'il se concentre.

— Qui est pour la torture ici ?

— Et qui sait où est passée ma moustache ?

Donc, pour résumer, j'étais d'abord dans mon propre corps puis ma conscience a été transférée dans le corps du petit garde. Lui, à ce moment-là, a eu sa conscience transférée dans mon ancien corps. C'est simple : c'est juste un échange.

— Non ? Personne ? Tiens toi là !

En somme, je suis dans le corps de la personne qui possède le petit garde maintenant.

— Qu'aurais-tu fait à ma place ?

Et cette personne est...

— Capitaine ! Je vous en conjure : écoutez-moi. Il se passe quelque chose de très étrange ici. Je ne me suis pas rasé depuis mon quatorzième cycle !

Rasé ? Lucian passa sa main sur son visage. Il possédait une moustache. Oh non !

— Je viens de te poser une question ! cria Yagor en plantant de toutes ses forces son couteau dans son œil droit.

Quoi qu'il eusse fait, Lucian n'aurait pas le temps de hurler car, entre temps, le jeune homme aurait déjà tranché sa gorge avec un second couteau, comme toutes les fois...

— ... passées ?

— Quoi ? répondit Yagor, décontenancé.

Lucian ouvrit lentement la bouche et la renferma aussitôt.

— J-je ne suis pas encore mort ?

Yagor fronça les sourcils.

— Pour être franc, j'allais te trancher la gorge. Je ne m'attendais juste pas à ce que tu parles avant.

— Ah.

Lucian se souvint soudain qu'il n'avait plus d'œil droit.

— Ah !

Le donjon qui se mord la queueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant