Chapitre 12

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Ce même soir, une petite main avait frappé à la porte de la remise. La jeune fille était tapie au fond de la pièce nue et se redressa brusquement lorsque cette main frappa. Un bruit de clés se fit entendre, et sa porte grinça lentement.

— Lamssa ? demanda la voix de la fillette après une pause. Lamssa, je sais que c'est toi, ne fais pas de manières ; je t'en prie, ma sœur, entre.

Dans un sanglot, la porte se referma et la sœur benjamine se précipita dans ses bras.

— Oui, dit la nouvelle venue en pleurant, c'est ta sœur qui vient te voir, ta sœur qui regarde tout sans rien pouvoir faire.

Se dégageant de sa cadette, elle poussa vers celle-ci une assiette qu'elle avait déposée au sol.

— La purée de tante Kiraz... je sais que tu en raffoles.

La fillette prit la cuillère qu'elle lui tendait et se mit à manger rapidement le contenu du plat. Lamssa Larse la regardait, calmée.

— Il ne tenait qu'à toi d'en manger à tous les repas, murmura-t-elle sèchement. Qu'as-tu fait pour mériter un tel sort ? Oui, tout était entre tes mains, sale inconsciente, et tu as laissé tomber la plus belle chance de ta vie pour un morveux, pour lequel en plus, comme tout le monde le sait, tu n'éprouves aucun sentiment.

Et, comme l'enfant baissait la tête :

— Parfaitement ! Regarde-moi en face et ose répéter que tu l'aimes. Ma question est très simple, petite sœur, à quoi joues-tu ? Où veux-tu nous emmener, tes sœurs, tes tantes, ton professeur et moi ? Chorydia n'ose même plus sortir tant ta décision l'a couverte de honte. Que dira-t-elle lorsque les voisins lui demanderont comment tu vas ? « Ma sœur est enfermée pour avoir voulu épouser un misérable vendeur » ? Crois-tu qu'il n'y aura aucune conséquence sur nos vies, à nous autres ? Tu dis que tu as grandi, mais tu ne parais absolument pas mature lorsque tu tiens des discours tels que celui que tu as tenu devant moi et, j'en suis sûre, devant Denkel ; tu ne réfléchis seulement pas à ton propre avenir, en te jetant toute fraîche à la merci d'un homme qui ne fera qu'une bouchée de ton héritage !

— Je ne demande aucune part d'héritage, ma sœur, et considère que Chorydia et toi la méritez plus que moi.

— Je croirais que tu te moques de moi si je n'avais pas entendu le coup que t'a porté cette brute qu'est le professeur. Ah ! Chorydia pourra te répéter que j'en ai eu le cœur brisé. Ce n'est pas avec un bâton que l'on apprend à conserver son honneur et son jeune âge pour des activités en adéquation avec son rang. Que sais-tu du devoir d'une épouse ou d'une mère, toi qui n'as jamais connu ni l'une ni l'autre, qui as toujours vécu dans l'étude, et qui enfin es plus jeune que le fils de l'Empereur ? Je serais moi-même bien avancée si je devais songer à faire des enfants et toutes ces choses affolantes.

— Bien assez affolantes pour que tu les planifies toi-même, Lamssa, puisque tu es enceinte de deux mois d'une charmante petite fille que tu appelleras Lina.

Lamssa resta bouche bée, avec seulement ces murmures :

— Sor... cière...

— Ne t'inquiète pas, reprit sa jeune sœur, le professeur n'est pas au courant ; je ne veux pas qu'il t'enferme avec moi. Je ne mérite pas ta compagnie : ici, je suis la seule coupable.

Les lèvres de Lamssa se fermèrent, la jeune femme faisait le tour du bord de l'assiette vide avec son index droit.

— L'amour dans le jardin, c'était bien ça ? reprit la prisonnière. Cela a dû être en effet une expérience intéressante. Je n'en connais pas de semblables mais j'ai lu beaucoup de livres, comme celui dont les mots défilent à cet instant dans tes yeux. Ne te sens pas gênée, ma sœur : ta main renferme le toucher du paradis.

Crimson BirthOù les histoires vivent. Découvrez maintenant