Chapitre 16

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Durant le premier mois qu'elle passa à la Vieille Archadès, la rousse fit le linge, la cuisine et le ménage de la minuscule hutte où vivait le vendeur. Lorsqu'il revenait de sa journée, il mangeait sans un mot, comptait pièce par pièce les gils de son sac sur la table, et allait dormir. Et lorsqu'elle finissait de nettoyer, elle le rejoignait pour dormir elle aussi, recroquevillée contre son bassin et ses jambes, ou, lorsqu'il la chassait d'un mouvement transversal, assise par terre.

Le premier jour, tandis qu'il mangeait vers l'après-midi, elle s'accouda à la table, plongeant son regard dans le sien, et demanda en souriant :

— Qui était la femme blonde qui nous regardait curieusement avec ses amies, lorsque nous sommes arrivés ?

Il but une gorgée d'eau, lui adressa un regard noir et répondit d'une voix de la même couleur :

— C'est Bérale.

Elle sourit et ajouta :

— Elle est très jolie ; tu ne trouves pas ?

Il lui adressa cette fois-ci un regard neutre et dit :

— C'est une garce.

Elle éclata d'un grand rire et exprima son souhait encore plus grand de la rencontrer.

— Je ne te conseille pas de te mêler à ces gens-là, recommanda le vendeur en reposant la carafe où il buvait, auparavant remplie par l'eau que la rousse était allée chercher du puits.

Plus tard, elle sortit et traversa la ligne de masures en face de la trappe pour atteindre une ruelle où des enfants couraient ; d'autres s'étaient assis sur des briques. Devant une bassine pleine d'eau moussante et de linge, la jeune fille s'arrêta et fit face aux trois femmes, tout comme le moment de son arrivée. Cependant, cette fois-ci elle s'approcha jusqu'à toucher la manche de la plus grande. Cette dernière se tourna vers elle, haussa les sourcils puis revint à sa discussion.

— Bonjour Bérale ! dit la rousse à la femme la plus petite.

La blonde pivota d'un quart de tour tandis que les deux autres furent prises d'un fou rire, la grande frappant le mur mitoyen tandis que la petite se roulait par terre.

— Te... toi... balbutia Bérale, son visage blanc virant au rouge.

— Que... cache-toi ! Va te cacher, petite ! parvint à articuler la plus grande entre deux éclats de rire.

— Mais je ne veux pas me cacher, je veux être amie avec Bérale. Et avec vous toutes.

Des larmes sortirent des yeux des deux hilares. Elles tentaient de s'exprimer mais la moindre syllabe se noyait dans leurs torrents de rire. Bérale s'avança vers la rousse et la souleva par le col :

— Sais-tu qui je suis ? Sais-tu qui tu es ? Sais-tu ce que ta venue ici va nous coûter ? Non ! Alors dégage ! Je ne veux plus croiser ta face ! cria-t-elle en la secouant de plus en plus fort.

La plus grande s'arrêta net de rire et envoya la blonde au mur d'une pichenette.

— Calme-toi, Bérale, ordonna-t-elle de sa voix grave. Allez pars, petite, fuis ! Qu'est-ce que t'attends ?

La rousse recula, les larmes aux yeux. Elle pleurait en même temps que Bérale, la première silencieusement et la seconde à grands cris. Elle s'approcha des enfants ; l'un d'entre eux, aux cheveux châtain clair bouclés, s'arrêta devant elle et lui sourit.

— Salut ! dit-il en riant.

— Salut ! répondit la rousse en riant également.

Il se mit à courir et elle prit son élan pour le poursuivre, mais tomba aussitôt sur sa jambe blessée et mit ses mains au niveau du bandage en fermant les yeux.

Crimson BirthOù les histoires vivent. Découvrez maintenant