Chapitre 2

9 0 0
                                    


Sur le conseil de l'une des sœurs du professeur, chez lesquelles ils vivaient, elle alla dans l'après-midi se pavaner, de sa démarche claudicante, le long de la rue afin de montrer sa nouvelle parure. En marchant, personne ne s'arrêta sur son passage, sauf un homme chauve qui marchait vers le fond de la rue.

— Bonjour, lui lança-t-elle en courant le plus élégamment qu'il lui était possible et en s'inclinant.

— Oh, c'est vous ! fit-il en lui souriant. Vous ressemblez de plus en plus à celles de chez vous ; bientôt il faudra vous envoyer à Archadès.

— Vous n'y songez pas, monsieur, dit-elle en rougissant, il n'y a aucune raison : je me sens bien ici. La main d'œuvre ne manque pas, j'imagine ?

— Oh non, mademoiselle, les grands gaillards ne se font pas rares de nos jours et j'ai toujours une main sur qui compter.

— A propos, dit-elle dans la foulée, le professeur Denkel a fait venir de la capitale un jeune marchand qui a dû faire tout le chemin à pied. Il m'a tout l'air d'être un travailleur comme vous. Peut-être l'avez-vous aperçu en ville ?

— Jeune ? Si c'est de Vayne que vous parlez, il ne m'a pas paru jeune quand je l'ai vu à la place des quais, pas le moins du monde ! Il avait surtout l'aspect d'un homme qui a parcouru Kerwon et toutes les mers d'Ivalice. Il n'est pas du style causeur en tous cas. On se demande ce qu'il fait ici.

— Je me questionnais simplement à propos de sa présence, car s'il vient souvent au port on ne m'en parle pas beaucoup.

— Oh, ne m'en demandez pas plus, je ne connais absolument pas ce vendeur... je ne sais pas grand-chose de là où il vient, mais je sais qu'il n'a pas seulement un trou où dormir ; une vraie maladie de pauvreté, apparemment. C'est étrange de voir des commerçants faire fortune de leur entreprise et d'autres qui parviennent tout juste à racheter autre chose à vendre. Enfin, c'est toujours mieux que de vendre n'importe quoi et de mettre la différence dans sa poche pour en faire de mauvais projets... vous devez lui avoir parlé, puisqu'il est entré chez vous.

— Non, non, absolument pas, se défendit la jeune fille en secouant ses mains. C'est au professeur qu'il a parlé ; il a reçu sa paye et il est parti.

— Je comprends que Denkel ne soit pas hospitalier avec des gens aussi étranges... après tout on ne peut jamais savoir ce qu'ils cachent. J'ai des hommes à rassembler, je vous laisse donc en paix, mademoiselle.

— Merci, monsieur, dit-elle à haute voix. Bonne journée.

Quelques autres personnes lui firent signe le long de la rue tandis qu'elle se dirigeait silencieusement vers son domicile.

Crimson BirthOù les histoires vivent. Découvrez maintenant